Pline, Herculanum et Pompéi

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Last Updated on 31 janvier 2024 by Frank César LOVISOLO

Pline, Pline, Pline, Pline Herculanum et Pompéi – audio ogg= »http://frank-lovisolo.fr/xxx/ogg/PasitheaCale.ogg » mp3= »http://frank-lovisolo.fr/xxx/m3p/Pasithea-cale.mp3″ autoplay= »true » preload= »true » loop= »true » width= »300″ height= »40″ height= »40″
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Pline - Herculanum - Pompei - Lovisolo79… c’est cette année-là que, pendant l’éruption du Vésuve, Pline l’ancien disparut par son acte d’héroïsme de vouloir, par la mer, observer le phénomène et sauver les Pompéiens. Je ne donnerai aucune date, car celles-ci sont toujours sujettes de controverses.

D’aucuns pensent que l’éruption se serait plus probablement produite en octobre ou en novembre plutôt qu’en août comme la tradition l’a depuis prétendu. Il y a aussi des doutes concernant les circonstances du décès de Pline.

Certains disent qu’il serait mort étouffé ou asphyxié par les cendres ou les gaz toxiques du volcan et d’autres des suites d’une crise cardiaque due à l’épuisement d’un homme corpulent, soumis à une rude épreuve « Il avait naturellement la poitrine faible, étroite et souvent haletante » relate Pline le Jeune [1]

Naturalishistoria Bien avant le siècle des Lumières, bien avant l’Histoire naturelle de Buffon et l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, Pline l’Ancien, stoïcien et sceptique, écrivit une encyclopédie : « Histoire naturelle ».

Titus - Pline - LovisoloAlors officier de cavalerie, Pline l’Ancien était un proche de Titus, futur empereur, à qui il dédia cet ouvrage.

« Histoire naturelle » est, je m’en réfère à Buffon, une œuvre littéraire relatant l’histoire des animaux, des plantes et des minéraux, l’histoire du ciel et de la terre, la médecine, le commerce, la navigation, l’histoire des arts libéraux et mécaniques, l’origine des usages, les sciences naturelles, les arts humains, des anecdotes historiques et d’étonnantes histoires parfois plus proches de la légende que de la réalité.  

Il y a, dans la description des phénomènes naturels, une démarche scientifique pour le moins intéressante, tantôt descriptive, tantôt analytique, qui nous éclaire sur les connaissances, les méthodes et les moyens d’analyses et d’observations relatifs à cette période de l’histoire.

« C’est un ouvrage qui occupe une position unique dans l’histoire des lettres et des idées, et qui s’adresse au grand public » affirme Stéphane Schmitt, historien des sciences au CNRS.

 
Ce fut à Pline le Jeune que revint la tâche de relater à Tacite la mort de son oncle et père adoptif.
Peu après, il écrivit, non sans émotion, toujours en correspondance avec Tacite qui la lui commanda, une description de l’éruption du Mont Vésuve. « Quoique ce souvenir me saisisse d’horreur, j’obéirai… » Écrit-il au début de la lettre.
 
 
Le Vésuve vu par un Toulonnais
Pierre-Jacques VOLAIRE ( Toulon 1729 – Naples 1799 ) 
Pline, Herculanum et Pompéi - Volaire-Vesuve
L’éruption du Vésuve vue de l’Atrio del Cavallo
Huile sur toile H. 0, 38 m – L. 0, 81 m – Vers 1780
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Pline, Herculanum et Pompéi - Volaire-Vesuve
Éruption du Vésuve vue de Naples, octobre 1822,
dessin de George Julius Poulett Scrope.
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Cet exposé de la catastrophe vous suit durant la visite des vestiges des deux villes…
 
Herculanum est dans un état de très belle conservation si bien que l’on comprend réellement ce que fut la cité…
À Pompéi, nous serions bien peu surpris si le boulanger Terentius Neo et son épouse nous invitaient à visiter leur échoppe, leur demeure et à goûter leur pain… 

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 Paquius Proculus et son épouse - Pline - Lovisolo - Terentius Neo La fresque représente un couple de bourgeois de Pompéi, probablement mari et femme.
Ils sont communément appelés « Paquius Proculus et son épouse ».
En réalité, il s’agirait du boulanger Terentius Neo, comme le révèle le graffiti découvert à l’intérieur de la maison, alors que l’inscription extérieure serait un texte de propagande électorale en faveur de Paquius Proculus, élu effectivement, ensuite, duumvir de Pompéi.
 
Herculanum

Pline - Herculanum - Pompei - Lovisolo

Plaque commémorant la réfection par Vespasien du temple de Magna Mater à Herculanum.

Pline - Herculanum - Pompei - Lovisolo Gaius_Cornelius_Tacitus - Pline - Herculanum - Pompei - Lovisolo  Pline - Herculanum - Pompei - Lovisolo

Lettre de Pline Le Jeune à Tacite relatant la mort de Pline l’Ancien

Pline - Herculanum - Pompei - LovisoloVous me demandez des détails sur la mort de mon oncle, afin d’en transmettre plus fidèlement le récit à la postérité. Je vous en remercie : car je ne doute pas qu’une gloire impérissable ne s’attache à ses derniers moments, si vous en retracez l’histoire. Quoique dans un désastre qui a ravagé la plus belle contrée du monde, il ait péri avec des peuples et des villes entières, victime d’une catastrophe mémorable qui doit éterniser sa mémoire ; quoiqu’il ait élevé lui-même tant de monuments durables de son génie, l’immortalité de vos ouvrages ajoutera beaucoup à celle de son nom. Heureux les hommes auxquels les dieux ont accordé le privilège de faire des choses dignes d’être écrites, ou d’en écrire qui soient dignes d’être lues ! Plus heureux encore ceux auxquels ils ont départis ce double avantage ! Mon oncle tiendra son rang parmi les derniers, et par vos écrits et par les siens.

J’entreprends donc volontiers la tâche que vous m’imposez, ou plutôt, je la réclame. Il était à Misène où il commandait la flotte. Le neuvième jour avant les calendes de septembre, vers la septième heure, ma mère l’avertit qu’il paraissait un nuage d’une grandeur et d’une forme extraordinaire. Après sa station au soleil et son bain d’eau froide, il s’était jeté sur un lit où il avait pris son repas ordinaire, et il se livrait à l’étude. Il demande ses sandales et monte en un lieu d’où il pouvait aisément observer ce phénomène. La nuée s’élançait dans l’air, sans qu’on pût distinguer à une si grande distance de quelle montagne elle sortait.

L’évènement fit connaître ensuite que c’était du mont Vésuve. Sa forme approchait de celle d’un arbre, et particulièrement d’un pin : car, s’élevant vers le ciel comme sur un tronc immense, sa tête s’étendait en rameaux. peut-être le souffle puissant qui poussait d’abord cette vapeur ne se faisait-il plus sentir ; peut-être aussi le nuage, en s’affaiblissant ou en s’affaissant sous son propre poids, se répandait-il en surface. Il paraissait tantôt blanc, tantôt sale et tacheté, selon qu’il était chargé de cendre ou de terre.

Ce phénomène surpris mon oncle, et, dans son zèle pour la science, il voulut l’examiner de plus près. Il fit appareiller un navire liburnien, et me laissa la liberté de le suivre. Je lui répondis que j’aimais mieux étudier ; il m’avait par hasard donné lui-même quelque chose à écrire. Il sortait de chez lui, lorsqu’il reçut un billet de Rectine, femme de Césius Bassus. Effrayée de l’imminence du péril (car sa villa était située au pied du Vésuve, et l’on ne pouvait s’échapper que par la mer), elle le priait de lui porter secours.

Alors il change de but, et poursuit par dévouement ce qu’il n’avait d’abord entrepris que par le désir de s’instruire. Il fait préparer des quadrirèmes, et y monte lui-même pour aller secourir Rectine et beaucoup d’autres personnes qui avaient fixé leur habitation sur cette côte riante. Il se rend à la hâte vers des lieux d’où tout le monde s’enfuyait ; il va droit au danger, la main au gouvernail, l’esprit tellement libre de crainte, qu’il décrivait et notait tous les mouvements, toutes les formes que le nuage ardent présentait à ses yeux.

Vesuve_18720426Déjà sur ses vaisseaux volait une cendre plus épaisse et plus chaude, à mesure qu’ils approchaient ; déjà tombaient autour d’eux des éclats de rochers, des pierres noires, brûlées et calcinées par le feu ; déjà la mer, abaissée tout à coup, n’avait plus de profondeur, et les éruptions du volcan obstruaient le rivage. Mon oncle songea un instant à retourner ; mais il dit bientôt au pilote qui l’y engageait : La fortune favorise le courage. Menez-nous chez Pomponianus. Pomponianus était à Stabie, de l’autre côté d’un petit golfe, formé par la courbure insensible du rivage.

Là, à la vue du péril qui était encore éloigné, mais imminent, car il s’approchait par degrés, Pomponianus avait transporté tous ses effets sur des vaisseaux, et n’attendait, pour s’éloigner, qu’un vent moins contraire. Mon oncle, favorisé par ce même vent, aborde chez lui, l’embrasse, calme son agitation, le rassure, l’encourage ; et, pour dissiper, par sa sécurité, la crainte de son ami, il se fait porter au bain. Après le bain, il se met à table, et mange avec gaieté, ou, ce qui ne suppose pas moins d’énergie, avec les apparences de la gaieté. Cependant, de plusieurs endroits du mont Vésuve, on voyait briller de larges flammes et un vaste embrasement dont les ténèbres augmentaient l’éclat.

Pour calmer la frayeur de ses hôtes, mon oncle leur disait que c’étaient des maisons de campagne abandonnées au feu par les paysans effrayés. Ensuite, il se livra au repos, et dormit réellement d’un profond sommeil, car on entendait de la porte le bruit de sa respiration que sa corpulence rendait forte et retentissante. Cependant la cour par où l’on entrait dans son appartement commençait à s’encombrer tellement de cendres et de pierres, que, s’il y fût resté plus longtemps, il lui eût été impossible de sortir. On l’éveille. Il sort, et va rejoindre Pomponianus et les autres qui avaient veillé. Ils tiennent conseil, et délibèrent s’ils se renfermeront dans la maison, ou s’ils erreront dans la campagne : car les maisons étaient tellement ébranlées par les effroyables tremblements de terre qui se succédaient, qu »elles semblaient arrachées de leurs fondements, poussées dans tous les sens, puis ramenées à leur place. D’un autre côté, on avait à craindre, hors de la ville, la chute des pierres, quoiqu’elles fussent légères et minées par le feu. De ces périls, on choisit le dernier. Chez mon oncle, la raison la plus forte prévalut sur la plus faible ; chez ceux qui l’entouraient, une crainte l’emporta sur une autre. Ils attachent donc avec des toiles des oreillers sur leurs têtes : c’était une sorte d’abri contre les pierres qui tombaient.

Le jour recommençait ailleurs ; mais autour d’eux régnait toujours la nuit la plus sombre et la plus épaisse, sillonnée cependant par des lueurs et des feux de toute espèce. On voulut s’approcher du rivage pour examiner si la mer permettait quelque tentative ; mais on la trouva toujours orageuse et contraire. Là mon oncle se coucha sur un drap étendu, demanda de l’eau froide, et en but deux fois. Bientôt des flammes et une odeur de soufre qui en annonçait l’approche, mirent tout le monde en fuite, et forcèrent mon oncle à se lever. Il se lève appuyé sur deux jeunes esclaves, et au même instant il tombe mort. Déjà sur ses vaisseaux volait une cendre plus épaisse et plus chaude, à mesure qu’ils approchaient ; déjà tombaient autour d’eux des éclats de rochers, des pierres noires, brûlées et calcinées par le feu ; déjà la mer, abaissée tout à coup, n’avait plus de profondeur, et les éruptions du volcan obstruaient le rivage. Mon oncle songea un instant à retourner ; mais il dit bientôt au pilote qui l’y engageait : La fortune favorise le courage. Menez-nous chez Pomponianus. Pomponianus était à Stabie, de l’autre côté d’un petit golfe, formé par la courbure insensible du rivage.

Là, à la vue du péril qui était encore éloigné, mais imminent, car il s’approchait par degrés, Pomponianus avait transporté tous ses effets sur des vaisseaux, et n’attendait, pour s’éloigner, qu’un vent moins contraire. Mon oncle, favorisé par ce même vent, aborde chez lui, l’embrasse, calme son agitation, le rassure, l’encourage ; et, pour dissiper, par sa sécurité, la crainte de son ami, il se fait porter au bain. Après le bain, il se met à table, et mange avec gaieté, ou, ce qui ne suppose pas moins d’énergie, avec les apparences de la gaieté. Cependant, de plusieurs endroits du mont Vésuve, on voyait briller de larges flammes et un vaste embrasement dont les ténèbres augmentaient l’éclat. Pour calmer la frayeur de ses hôtes, mon oncle leur disait que c’étaient des maisons de campagne abandonnées au feu par les paysans effrayés.

Ensuite, il se livra au repos, et dormit réellement d’un profond sommeil, car on entendait de la porte le bruit de sa respiration que sa corpulence rendait forte et retentissante. Cependant la cour par où l’on entrait dans son appartement commençait à s’encombrer tellement de cendres et de pierres, que, s’il y fût resté plus longtemps, il lui eût été impossible de sortir. On l’éveille.

Il sort, et va rejoindre Pomponianus et les autres qui avaient veillé. Ils tiennent conseil, et délibèrent s’ils se renfermeront dans la maison, ou s’ils erreront dans la campagne : car les maisons étaient tellement ébranlées par les effroyables tremblements de terre qui se succédaient, qu »elles semblaient arrachées de leurs fondements, poussées dans tous les sens, puis ramenées à leur place. D’un autre côté, on avait à craindre, hors de la ville, la chute des pierres, quoiqu’elles fussent légères et minées par le feu. De ces périls, on choisit le dernier. Chez mon oncle, la raison la plus forte prévalut sur la plus faible ; chez ceux qui l’entouraient, une crainte l’emporta sur une autre. Ils attachent donc avec des toiles des oreillers sur leurs têtes : c’était une sorte d’abri contre les pierres qui tombaient.

Le jour recommençait ailleurs ; mais autour d’eux régnait toujours la nuit la plus sombre et la plus épaisse, sillonnée cependant par des lueurs et des feux de toute espèce. On voulut s’approcher du rivage pour examiner si la mer permettait quelque tentative ; mais on la trouva toujours orageuse et contraire. Là mon oncle se coucha sur un drap étendu, demanda de l’eau froide, et en but deux fois. Bientôt des flammes et une odeur de soufre qui en annonçait l’approche, mirent tout le monde en fuite, et forcèrent mon oncle à se lever. Il se lève appuyé sur deux jeunes esclaves, et au même instant il tombe mort.

J’imagine que cette épaisse vapeur arrêta sa respiration et le suffoqua. Il avait naturellement la poitrine faible, étroite et souvent haletante. Lorsque la lumière reparut trois jours après le dernier qui vait lui pour mon oncle, on retrouva son corps entier, sans blessure. Rien n’était changé dans l’état de son vêtement, et son attitude était celle du sommeil plutôt que de la mort. Pendant ce temps, ma mère et moi nous étions à Misène. Mais cela n’intéresse plus l’histoire, et vous n’avez voulu savoir que ce qui concerne la mort de mon oncle. Je finis donc, et je n’ajoute plus qu’un mot : c’est que je ne vous ai rien dit, que je n’aie vu ou que je n’aie appris dans ces moments où la vérité des évènements n’a pu encore être altérée. C’est à vous de choisir ce que vous jugerez le plus important. Il est bien différent d’écrire une lettre ou une histoire ; d’écrire pour un ami, ou pour le public. Adieu  

Pompéi

Panoramic photograph - 1909 - Pline - Herculanum - Pompei - Lovisolo

Panoramic photograph, 1909

Lettre de Pline Le Jeune à Tacite sur les événements du Vésuve 

Pline - Herculanum - Pompei - Lovisolo - vésuve - NaplesLa lettre où je vous ai donné les détails que vous me demandiez sur la mort de mon oncle, vous a inspiré, me dites-vous, le désir de connaître les alarmes et les dangers mêmes auxquels je fus exposé à Misène où j’étais resté ; car c’est là que j’avais interrompu mon récit.

Quoique ce souvenir me saisisse d’horreur,
J’obéirai…

Après le départ de mon oncle, je continuai l’étude qui m’avait empêché de le suivre. Vint ensuite le bain, le repas ; je dormis quelques instants d’un sommeil agité. Depuis plusieurs jours, un tremblement de terre s’était fait sentir. Il nous vaiet peu effrayés, parce qu’on y est habitué en Campanie. Mais il redoubla cette nuit avec tant de violence, qu’on eût dit, non-seulement une secousse, mais un bouleversement général. Ma mère se précipita dans ma chambre. Je me levais pour aller l’éveiller, si elle eût été endormie. Nous nous assîmes dans la cour qui ne forme qu’une étroite séparation entre la maison et la mer. Comme je n’avais que dix-huit ans, je ne sais pas si je dois appeler fermeté ou imprudence ce que je fis alors. Je demandai un Tite-Live. Je me mis à le lire, comme dans le plus grand calme, et je continuai à en faire des extraits. Un ami de mon oncle, récemment arrivé d’Espagne pour le voir, nous trouva assis, ma mère et moi. Je lisais. Il nous reprocha, à ma mère son sang-froid, et à moi ma confiance. Je n’en continuai pas moins attentivement ma lecture. Nous étions à la première heure du jour, et cependant on ne voyait encore qu’une lumière faible et douteuse. IMG 9430Les maisons autour de nous, étaient si fortement ébranlées, qu’elles étaient menacées d’une chute infaillible dans un lieu si étroit, quoiqu’il fût découvert. Nous prenons enfin le parti de quitter la ville. Le peuple épouvanté s’enfuit avec nous ; et comme, dans la peur, on met souvent sa prudence à préférer les idées d’autrui aux siennes, une foule immense nous suit, nous presse et nous pousse. Dès que nous sommes hors de la ville, nous nous arrêtons ; et là, nouveaux phénomènes, nouvelles frayeurs. Les voitures que nous avions emmenées avec nous, étaient, quoiqu’en pleine campagne, entraînées dans tous les sens, et l’on ne pouvait, même avec des pierres, les maintenir à leur place. La mer semblait refoulée sur elle-même, et comme chassée du rivage par l’ébranlement de la terre. Ce qu’il y a de certain, c’est que le rivage était agrandi, et que beaucoup de poissons étaient restés à sec sur le sable. De l’autre côté, une nuée noire et horrible, déchirée par des tourbillons de feu, laissait échapper de ses flancs entr’ouverts de longues traînées de flammes, semblables à d’énormes éclairs. Alors l’ami dont j’ai parlé revint plus vivement encore à la charge. Si votre frère, si votre oncle est vivant, nous dit-il, il veut sans doute que vous vous sauviez ; et s’il est mort, il a voulu que vous lui surviviez. Qu’attendez-vous donc pour partir ? Nous lui répondîmes que nous ne pourrions songer à notre sûreté, tant que nous serions incertains de son sort. A ces mots, il s’élance, et cherche son salut dans une fuite précipitée. Presqu’aussitôt après la nue s’abaisse sur la terre et couvre les flots. Elle dérobait à nos yeux l’île de Caprée, qu’elle enveloppait, et nous cachait la vue du promontoire de Misène. Ma mère me conjure, me presse, m’ordonne de me sauver, de quelque manière que ce soit. Elle me dit que la fuite est facile à mon âge ; que pour elle, affaiblie et appesantie par les années, elle mourrait contente, si elle n’était pas cause de ma mort. Je lui déclare qu’il n’y a de salut pour moi qu’avec elle. Je lui prends la main, je la force à doubler le pas. Elle m’obéït à regret, et s’accuse de ralentir ma marche.

La cendre commençait à tomber sur nous, quoiqu’en petite quantité. Je tourne la tête, et j’aperçois derrière nous une épaisse fumée qui nous suit en se répandant sur la terre comme un torrent. Pendant que nous voyons encore, quittons le grand chemin, dis-je à ma mère, de peur d’être écrasés dans les ténèbres par la foule qui se presse sur nos pas. Pline - Herculanum - Pompei - LovisoloA peine nous étions-nous arrêtés, que les ténèbres s’épaissirent encore. Ce n’était pas seulement une nuit sombre et chargée de nuages, mais l’obscurité d’une chambre où toutes les lumières seraient éteintes. On n’entendait que les gémissements des femmes, les plaintes des enfants, les cris des hommes. L’un appelait son père, l’autre son fils, l’autre sa femme ; ils ne se reconnaissaient qu’à la voix. Celui-ci s’alarmait pour lui-même, celui-là pour les siens. On en vit à qui la crainte de la mort faisait invoquer la mort même. Ici on levait les mains au ciel ; là on se persuadait qu’il n’y avait plus de dieux, et que cette nuit était la dernière, l’éternelle nuit qui devait ensevelir le monde. Plusieurs ajoutaient aux dangers réels des craintes imaginaires et chimériques. Quelques-uns disaient qu’à Misène tel édifice s’était écroulé, que tel autre était en feu ; bruits mensongers qui étaient accueillis comme des vérités.

 
Pline - Herculanum - Pompei - LovisoloIl parut une lueur qui nous annonçait, non le retour de la lumière, mais l’approche du feu qui nous menaçait. Il s’arrêta pourtant loin de nous. L’obscurité revint. La pluie de cendres recommença plus forte et plus épaisse. Nous nous levions de temps en temps pour secouer cette masse qui nous eût engloutis et étouffés sous son poids. Je pourrais me vanter qu’au milieu de si affreux dangers, il ne m’échappa ni une plainte ni une parole qui annonçât de la faiblesse ; mais j’étais soutenu par cette pensée déplorable et consolante à la fois, que tout l’univers périssait avec moi. Enfin cette noire vapeur se dissipa, comme une fumée ou comme un nuage. Bientôt après nous revîmes le jour et même le soleil, mais aussi blafard qu’il apparaît dans une éclipse. Tout se montrait changé à nos yeux troublés encore. Des monceaux de cendres couvraient tous les objets, comme d’un manteau de neige.
Chat Pompei

Le chat: Une mosaïque de Pompéi

Nous retournâmes à Misène. Chacun s’y rétablit de son mieux, et nous y passâmes une nuit entre la crainte et l’espérance. Mais la crainte l’emportait toujours, car le tremblement de terre continuait. La plupart, égarés par de terribles prédictions, aggravaient leurs infortunes et celles d’autrui. Cependant, malgré nos périls passés et nos périls futurs, il ne nous vint pas la pensée de nous éloigner, avant d’avoir appris des nouvelles de mon oncle.

Vous lirez ces détails ; mais vous ne les ferez point entrer dans votre ouvrage. Ils ne sont nullement dignes de l’histoire ; et, si vous ne les trouvez pas même convenables dans une lettre, ne vous en prenez qu’à vous seul qui les avez exigés.

Adieu.

 

  
 

Pline - Herculanum - Pompei - Lovisolo - vésuve - Naples - Giorgio Sommer

Giorgio Sommer (1834-1914), Eruption of Vesuvius on April 26 1872, at 3 p.m. ».
  Paquius Proculus et son épouse - Pline - Lovisolo - Terentius Neo

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2 Commentaires

  1. J’ai été fascinée par Pompei et Herculanum. Merci de me les rappeler en musique.
    Il nous reste la beauté de ces sites.

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