Emmanuelle Grangé
Texte : Emmanuelle Grangé Quand un bruit vous ennuie, écoutez-le. [John Cage]
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L’objectif de l’installation est de placer les spectateurs dans une exploration sonore, poétique et temporelle. Dans une clairière, des contrebasses sont exposées de manière aléatoire au vent. Dans un premier temps, les auditeurs seront plongés dans les particules sonores émises par les frôlements de l’air sur le bois et les cordes. Le participant effectuera physiquement l’expérience de ces phénomènes naturels particuliers et sa perception auditive transformera le centre de cette expérimentation phonique. Les sensations induites mettront en relation les représentations abstraites et rationnelles d’un espace sonore : celui-ci deviendra le lieu de tous les possibles. En attente d’une réalité poétique plus concrète, le spectateur pourra sortir des repères conventionnels d’un univers musical et les remplacer par les perceptions directes du territoire acoustique qui l’entoure. Pendant la deuxième partie, les phénomènes vont être amplifiés et esthétisés afin de distiller un univers musical aléatoire. L’apparition des mots d’Emmanuelle Grangé aura pour conséquence l’émergence d’un nouvel élément : ni espace, ni objet, mais plutôt à la frontière des deux, un texte dit. Au contact de ce qui n’est pas lui, l’écrit dit va se transformer et franchir ainsi ses propres limites pour se confronter à un autre lieu. Un lieu de sons où il n’y aura plus seulement les résonnances des instruments, mais aussi un espace redéfini par la voix. L’œuvre n’existe jamais pour elle-même ; elle n’est jamais fixe ou finie, elle se trouve toujours en rapport et/ou en conflit… [Daniel Buren] Frank Lovisolo le 31 mars 2009. |
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De la légèreté des piedsTexte: Emmanuelle Grangé – Musique : Frank Lovisolo![]() Emmanuelle Grangé
La toile du navire s’y prêtait, mes sœurs sirènes s’attaquaient au mât des contrebasses; elles emmêlaient leurs stridulations aux cordes, le concert pouvait commencer ! J’avançais prudemment, pieds indemnes. Je te parlais, cher Ulysse, enfin débarrassée des oripeaux du quotidien, j’érigeais la lettre la plus haute, la plus fragile sans dé à coudre ni canevas, d’un doigt effilé; je mettais un mot devant l’autre, je jetais, ordonnée, l’élégie au panier. Le vent pouvait bien arriver, il m’aidait à flanquer par terre les dernières absurdités lettrées. Il attisait grondeur et impatient ce qui sourdait en moi. Et tous les joyeux écrasaient une larme tant le souffle était mordant et ils froissaient et ils jetaient leurs papiers ! Je ne bougeais plus, autour de moi voltigeaient en boules informes des manuscrits en araméen, en serbo-croate, de Socrate, de Louise Labé, des passeports, des passe-droits, des règlements d’immeuble, de bonne conduite, des partitions de Mahler, des esquisses de Cézanne, il pleuvait les derniers dessins des enfants de Terezin… Mes pieds et les cordes de la clairière s’en souviennent, devant nous le jour était possible. Je prenais ta main, mon amour, nous partions enfin vers le silence. Son Site : http://emmanuelle.g.over-blog.com/ |
ah ! les cigales, les contrebasses foireuses, le décrochage de micro !
Et oui….