La Città di Matera la notte, la mattina poi i Sassi

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Last Updated on 9 février 2024 by Frank César LOVISOLO

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à l’écoute : 
Le Testament d’Empédocle
matera

Notte 

 
 

Matine

 
 

Il y a, la nuit, une ambiance propice à l’imaginaire…

On peut aisément se représenter la vie avant l’arrivée de l’électricité dans cette localité du sud de l’Italie.

Les sombres ruelles devaient ne laisser passer que la lumière de la Lune haute dans le ciel.

Terrible était l’existence dans les « Sassi » de Matera devenue une incontournable ville touristique…

 
 
 
 

Deux descriptions de cette Italie 

En 1910:

Matera SassiNous n’avons pas vu durant notre voyage spectacle plus horrible que l’habitat des paysans de Matera. Creusées dans la roche, ce sont plusieurs centaines de maisons, d’une, deux ou trois pièces. Souvent posées les unes sur les autres comme dans un entonnoir, elles ne reçoivent lumière et air que par la porte. Les murs, en général très humides, n’ont pour la plupart aucun revêtement : véritables tanières troglodytes, elles ressemblent sans doute aux habitations primitives de lointains ancêtres, d’une époque antérieure à notre civilisation. L’air qui vient de la porte est trop rare et insuffisamment renouvelé.

En outre, une habitude épouvantable vient aggraver une situation qui est déjà en soi à nulle autre pareille : étant donné la rareté de l’engrais et l’absence de tout égout, les habitants de ces antres effroyables doivent utiliser toutes les déjections, y compris humaines. Alors, dans la tanière même, généralement derrière le lit conjugal, on creuse une fosse où s’accumulent pendant des mois les excréments.

Il se forme ainsi dans chacune de ces misérables demeures un véritable foyer d’infection qui exhale une puanteur caractéristique. En tentant d’entrer dans quelques-uns de ces taudis, nous avons dû faire marche arrière. On ne pouvait surmonter notre dégoût. Et dire que des êtres humains vivent dans ces antres, y passent les nuits, aiment, procréent, s’en disputent la propriété et la jouissance.
D’une de ces cavernes sortaient de longs sanglots enfantins. Je poussai la porte, la lumière pénétra.

Alors un spectacle horrible se présenta à nous. Sur un grabat, trois enfants pleuraient et criaient. L’un d’eux, le plus grand, pouvait avoir peut-être sept ans mais il était tellement Francesco Saverio Nitti1rachitique qu’il n’en paraissait pas plus de quatre. Ils nous regardèrent sans surprise et recommencèrent à pleurer.

Quelques femmes nous dirent que la pauvre mère, veuve, allait travailler aux champs afin de nourrir sa marmaille, et que, ayant peur pour eux, elle les laissait enfermés jusqu’à son retour dans ce trou horrible où nous ne pûmes rester plus de quelques minutes. Comment ces paysans s’étaient-ils adaptés à une existence aussi atroce, nous ne le savions pas, et pouvions encore moins le concevoir ; c’est d’ailleurs un problème d’hygiène très intriguant que de voir à quel point ils résistent à la pourriture qui les environne.

[ l’Inchiesta parlementaire sulle condizioni dei contadini nelle Province meridionali e nella Sicilia («Enquête parlementaire sur les conditions des paysans dans les provinces méridionales et en Sicile»)]
200px Ulysses von Salis

Portrait of Carl Ulisses von Salis
by Felix Maria Diogg


En 1789 le comte Carl Ulisse von Salis-Marschlins lors de son voyage dans le royaume de Naples :
Matera est située […] dans une petite vallée profonde de 300 pieds; sur les escarpements, de part et d’autre, s’ouvrent des cavernes ou grottes, les unes au-dessus des autres. Il semble qu’elles seules aient servi d’habitation dans les temps les plus anciens, puisque les maisons paraissent n’avoir été construites qu’au XVIe siècle; certaines ont dû être à l’origine des églises ou des chapelles – l’une d’elles est encore appelée Santa Maria dell’Abbondanza –, mais aussi des couvents, qui gardent les traces de leur ancienne utilisation.
Cependant, le peuple habite généralement dans ces grottes, certaines creusées de manière régulière, on leur a simplement rajouté […] une pièce d’entrée bâtie, avec murs, porte et fenêtre. Je visitai plusieurs de ces grottes, non sans danger car au moindre faux pas, j’aurais pu tomber dans le précipice et m’écraser ; en grimpant, je ne pouvais que frémir à la pensée que des milliers et des milliers de personnes, depuis tant d’années, s’étaient exposées et s’exposaient toujours à ce risque.
[…] Les femmes des classes les plus élevées ne sont pas dépourvues de beauté ; alors que celles du peuple sont très laides, sales, déguenillées, de tempérament sauvage, et tellement prédisposées aux forfaits les plus atroces que les prisons débordent de délinquants méritant la peine la plus sévère. Ceci doit être attribué, principalement, à l’état d’ignorance et de barbarie dans lequel la Basilicate se trouve encore maintenue, et au peu de soin que l’on a eu, jusqu’à ce jour, d’éduquer et d’éclairer le peuple ; celui-ci ne pourra jamais se libérer de cet état de barbarie s’il n’a pas des routes meilleures, des barons plus humains, et des autorités plus intelligentes.
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David Seymour (1911-1956) - Matera, Italie, 1948

David Seymour (1911-1956) – Matera, Italie, 1948
Du FB de Jeanne Ingrassia

David Seymou r- Funeral for a child - Matera

David Seymour- Funeral for a child – Matera


La cause en est peut-être la malchance d’avoir eu deux présidents successifs dont le caractère et la conduite leur valurent, pour finir, d’être remplacés; mais moi je l’attribue plutôt à l’abominable saleté qui prévaut dans le pays, au genre de vie que l’on y mène, et aux aliments dont se nourrit cette population.
 
Tout cela l’a déchue de la dignité humaine, la prédisposant aux maladies et aux calamités, auxquelles les personnes raisonnables sont rarement sujettes.
[…] Toutes ces maladies sont ordinairement précédées d’une profonde mélancolie, et ne sont pas tant causées par la chaleur du climat que par le mode de vie et par la qualité des aliments qui prédominent dans ces contrées.
 
L’abus de viande de porc faisandée et salée, le manque absolu de propreté dans les habitations, la vie passée dans des cavernes obscures et humides, les vapeurs émanant sans cesse des égouts à ciel ouvert et les montagnes de fumier et d’ordures pourrissant dans les rues sont les causes physiques de ces désordres et de ces tristes maladies qui finissent habituellement de la plus horrible manière (Von Salis-Marschlins).
Autres textes ici : Les Sassi de Matera, du scandale national au monument ethnologique…

 Matera ville de Cinéma:

Matera Carlo Levi ritratto da Paolo Monti

Carlo Levi ritratto
da Paolo Monti  (1955)

Basilicata. Matera. Italia. 1948 © David Seymour

Basilicata. Matera. Italia. 1948 – David Seymour

En 1979 c’est Matera dans que fut tourné, en partie, «Le Christ s’est arrêté à Eboli» de Francesco Rosi contant, dans l’Italie fasciste, l’exil d’un opposant dans un village perdu de Lucanie. Inspiré du roman autobiographique de Carlo Levi. 

Ce film raconte la vie d’un médecin et écrivain antifasciste placé en résidence surveillée à Aliano dans le Basilicate à partir de 1935. Toute activité lui est interdite, y compris d’exercer la médecine. Il découvre le monde paysan, loin des cercles intellectuels. Il sera libéré au bout de deux ans après avoir conquis l’estime des agriculteurs pauvres de la région. [source]

 

Parmi les autres films tournés dans Matera, on peut citer :

Pier Paolo Pasolini

Pier Paolo Pasolini

Cette ville est l’un des principaux lieux de tournage du film chef-d’œuvre de Pier Paolo Pasolini : «L’Évangile selon saint Matthieu» en 1964. 

2004La Passion du Christ de Mel Gibson (Nul)
2017 : Wonder Woman de Patty Jenkins avec Gal Gadot (mama mia !)

[SOURCE]

Pier Paolo Pasolini : « L’Évangile selon saint Matthieu »


MateraParking pour les véhicules des habitants des Sassi, Via Casal Nuovo (1930-50)

Lien pour marque-pages : Permaliens.

5 Commentaires

  1. Caro Frank,
    Sei un grande….fai conoscere le meraviglie del nostro paese. Le tue origini ti fanno onore.
    A presto….leggerai il mio ultimo romanzo.
    Cordiali saluti
    Gennaro Cuomo

  2. L’Italie merveilleux pays de misère et de beauté. Merci_ de nous le faire revivre à travers ces récits terribles. De toutes manières on ne peut penser qu’aux beautés intrinsèques de ce pays

  3. Super reportage sur Matera ! La musique est bien calibrée pour la navigation dans les photos. L’ambiance nocturne me rappelle pour certaines photos un shooting que j’avais fait en Ligurie avec les carugi des petits villages (https://youtu.be/FYDHlmf7AUk). Les textes choisis sont étonnants ! Bravo ! Pour info dans le #NOUS du Var-Matin un article sur la brasserie Rampoldi de Monaco dont le chef Antonio Salvatore est natif de Matera…J’en profite pour vous dire que je suis attentivement vos publications sur Fb et souvent je nous trouve des points de comparaison sur les angles choisis et une photo de vous me rappelle immanquablement une des miennes !

    • Philippe, je vous remercie de l’intérêt que vous portez à mes publications. Je vous suis pareillement depuis quelques temps. Il y est vrai qu’entre nos travaux il existe un parallèle intéressant. Je reviens un instant sur les textes choisis ; la ville de Matera est maintenant un lieu touristique, une vitrine aseptisée mais il en a été autrement, une misère qu’il nous est difficile d’imaginer actuellement. J’avais déjà pour la Sicile, sur fond de Maupassant, évoqué la misère des mineurs du soufre ( surfarara ) . Une partie historique peu connue du grand tourisme.

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