à l’écoute :
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il me semble heureux de parler de ce que l’on ne peut plus prendre en photo :
la villa « la Mimosaraie » 10 rue Constantine Biarritz, d’Eugenia Errázuriz (15 septembre 1860 – 1951).
« J’ai trois amours : mon peintre, Picasso, mon musicien, Stravinsky et mon poète, Cendrars ».
Disait-elle…
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![]() Blaise Cendrars en 1912 par Richard Hall COMPLET BLANC
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De cette villa, il ne reste qu’un poteau, où le nom est gravé, et un muret.
À sa place, il y a une construction moderne, luxueuse certes, mais insipide, comme tant d’autres ici et ailleurs…
Au 10, rue Constantine, il y avait la villa d’Eugenia Huici Arguedas de Errázuriz.
Pionnière de l’esthétique minimaliste moderne, qui inspirera beaucoup de créateurs.
Certainement avec humour, elle aimait dire de sa demeure : « J’aime ma maison, car elle a l’air très propre et très pauvre ».
La Mimoseraie était son laboratoire de design dans lequel elle élevait la simplicité au rang de l’art.
Sir John Patrick Richardson disait d’elle :
« she already stood out for the unconventional sparseness of her rooms, for her disdain of poufs and potted palms and too much passementerie…
She appreciated things that were very fine and simple, above all, things made of linen, cotton, deal, or stone, whose quality improved with laundering or fading, scrubbing or polishing. She attended to the smallest detail in her house » .[1]
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![]() Portrait: Jacques-Emile Blanche 1890 « L’élégance signifie l’élimination », cite Jody Shields, dans le New York Times, à propos d’Eugenia et rajoute :
« Bien qu’elle n’ait conçu aucun meuble, qu’elle n’ait pas eu de client et que peu de son travail ait été photographié, elle est considérée comme l’une des premières à avoir créé une esthétique minimaliste moderne, Errázuriz a pratiqué un tour de passe-passe remarquable en réussissant à rendre extraordinairement extraordinaires les objets les plus ordinaires : un panier en osier a été placé sur une table de valeur, une paire de cisailles de jardin et un arrosoir exposés comme s’ils étaient égaux à ses Picasso » Errázuriz détestait les ensembles assortis de meubles, de bibelots et de souvenirs».
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Impitoyable au sujet du désordre , même dans les tiroirs du bureau, elle ordonna:
«Jette dehors et continue à jeter.»
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C’était un prolongement de sa conviction de la nécessité d’un changement constant:
«une maison qui ne change pas», disait-elle avec plaisir, «est une maison morte».
Article de Jody Shields le 11 octobre 1992 dans le New-York Times.
Cecil Beaton a remarqué que les sols en tuiles rouges étaient sans tapis mais parfaitement propres. Il a également écrit à son sujet dans «The Glass of Fashion» : «Son effet sur l’esthétique des cinquante dernières années a été si énorme que toute l’esthétique de la décoration d’intérieur moderne, ainsi que de nombreux concepts de simplicité, généralement reconnus aujourd’hui, nous sont parvenus».
![]() Jean Michel Frank, Maison de couture Lucien Lelong Beaton relate que son pain grillé « était une œuvre d’art ».
Sa nièce a raporté: «Tout dans la maison de tante Eugenia sentait si bon». On disait que les serviettes sentaient la lavande et qu’Eugenia s’était lavé les cheveux à l’eau de pluie…
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![]() «Si la cuisine n’est pas aussi bien entretenue que le salon. . . vous ne pouvez pas avoir une belle maison», a-t- elle déclaré.
Le designer Jean-Michel Frank est devenu son disciple le plus doué.
Curieusement, tard dans la vie, Eugenia Errázuriz devint une franciscaine tertiaire ( une religieuse laïque ), vêtue d’un habit noir uni conçu par une autre minimaliste, Coco Chanel. Cette information reste quand même à vérifier, n’ayant trouvé que très peu d’éléments l’attestant.
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![]() Raymone (la compagne du poète), Blaise Cendrars et Igor Stravinski au béret basque, entourant Eugenia et son portrait exécuté par Pablo Picasso. En France, Eugenia a commencé à fréquenter Biarritz, où elle a d’abord loué, puis a acheté une vaste maison qu’elle a nommée «La Mimoseraie» pour les nombreux mimosas qui fleurissaient dans le jardin.
![]() Olga et Pablo 1920 Pablo Picasso l’adorait…
John Patrick Richardson historien de l’art britannique et biographe de Picasso, écrit un essai intitulé « l’Autre Mère de Picasso » qu’il a inclus dans son livre Sacred Monsters, Sacred Masters ( Maîtres sacrés, Monstres sacrés ). [1]
Les autres protégés d’Eugénia étaient le poète suisse Blaise Cendrars qui lui fut présenté par Jean Cocteau et le compositeur Igor Stravinsky qui y resta résida toute une année.
Blaise Cendrars qui s’est révélé protecteur et même parfois un peu possessif. Vers 1918, il visita la villa et fut saisi par la simplicité de la décoration. C’est ici que lui vint l’inspiration pour écrire la séquence de poèmes D’Oultremer à Indigo.
Il loge avec Eugenia dans sa maison de Biarritz, dans une pièce ornée de peintures murales de Pablo Picasso.
![]() À Biarritz, le compositeur russe retrouvait donc un milieu familier et la meilleure société d’Europe, avide d’oublier le massacre de 14-18.
Il était déjà immensément célèbre, et considéré par la jeune génération française comme le chef de file de la musique contemporaine.
Stravinsky connaissait déjà le Pays basque où il y avait fait escale avec les Ballets Russes dans l’immédiat après-guerre.
Maurice Ravel avait dû lui vanter cette région, car ils avaient cohabité en Suisse en 1913.
Stravinsky revint au moins une fois sur la Côte basque, pour diriger lors d’un concert consacré à ses oeuvres l’orchestre du Casino municipal, le 25 août 1932.
Le séjour de Stravinsky à Biarritz a longtemps été ignoré et reste méconnu. Il présente pourtant un intérêt exceptionnel.
C’est le moment où le compositeur s’approprie la culture française, dans le contexte étrange et brillant des années folles, mais aussi dans des conditions morales et familiales difficiles.
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![]() Pablo Picasso : les baigneuses -1918 (Musée national Picasso – Paris) – Le phare de Biarritz en fond. |
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![]() Certainement trop sophistiquée à son gout ! |