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A l’écoute : Le Testament d’Empédocle
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Accès direct aux photographies : HERCULANUM – POMPEI
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D’aucuns pensent que l’éruption se serait plus probablement produite en octobre ou en novembre plutôt qu’en août comme la tradition l’a depuis prétendu. Il y a aussi des doutes concernant les circonstances du décès de Pline. Certains disent qu’il serait mort étouffé ou asphyxié par les cendres ou les gaz toxiques du volcan et d’autres des suites d’une crise cardiaque due à l’épuisement d’un homme corpulent, soumis à une rude épreuve « Il avait naturellement la poitrine faible, étroite et souvent haletante » relate Pline le Jeune [1]…
« Histoire naturelle » est, je m’en réfère à Buffon, une œuvre littéraire relatant l’histoire des animaux, des plantes et des minéraux, l’histoire du ciel et de la terre, la médecine, le commerce, la navigation, l’histoire des arts libéraux et mécaniques, l’origine des usages, les sciences naturelles, les arts humains, des anecdotes historiques et d’étonnantes histoires parfois plus proches de la légende que de la réalité. Il y a, dans la description des phénomènes naturels, une démarche scientifique pour le moins intéressante, tantôt descriptive, tantôt analytique, qui nous éclaire sur les connaissances, les méthodes et les moyens d’analyses et d’observations relatifs à cette période de l’histoire. « C’est un ouvrage qui occupe une position unique dans l’histoire des lettres et des idées, et qui s’adresse au grand public » affirme Stéphane Schmitt, historien des sciences au CNRS. Ce fut à Pline le Jeune que revint la tâche de relater à Tacite la mort de son oncle et père adoptif.
Peu après, il écrivit, non sans émotion, toujours en correspondance avec Tacite qui la lui commanda, une description de l’éruption du Mont Vésuve. « Quoique ce souvenir me saisisse d’horreur, j’obéirai… » Écrit-il au début de la lettre.
Le Vésuve vu par un Toulonnais
Pierre-Jacques VOLAIRE ( Toulon 1729 – Naples 1799 )
![]() Huile sur toile H. 0, 38 m – L. 0, 81 m – Vers 1780 ——
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![]() Éruption du Vésuve vue de Naples, octobre 1822,
dessin de George Julius Poulett Scrope.
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Cet exposé de la catastrophe vous suit durant la visite des vestiges des deux villes…
Herculanum est dans un état de très belle conservation si bien que l’on comprend réellement ce que fut la cité…
À Pompéi, nous serions bien peu surpris si le boulanger Terentius Neo et son épouse nous invitaient à visiter leur échoppe, leur demeure et à goûter leur pain…
. ![]() Ils sont communément appelés « Paquius Proculus et son épouse ».
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Herculanum– Plaque commémorant la réfection par Vespasien du temple de Magna Mater à Herculanum.
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Lettre de Pline Le Jeune à Tacite relatant la mort de Pline l’Ancien |
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J’entreprends donc volontiers la tâche que vous m’imposez, ou plutôt, je la réclame. Il était à Misène où il commandait la flotte. Le neuvième jour avant les calendes de septembre, vers la septième heure, ma mère l’avertit qu’il paraissait un nuage d’une grandeur et d’une forme extraordinaire. Après sa station au soleil et son bain d’eau froide, il s’était jeté sur un lit où il avait pris son repas ordinaire, et il se livrait à l’étude. Il demande ses sandales et monte en un lieu d’où il pouvait aisément observer ce phénomène. La nuée s’élançait dans l’air, sans qu’on pût distinguer à une si grande distance de quelle montagne elle sortait. L’évènement fit connaître ensuite que c’était du mont Vésuve. Sa forme approchait de celle d’un arbre, et particulièrement d’un pin : car, s’élevant vers le ciel comme sur un tronc immense, sa tête s’étendait en rameaux. peut-être le souffle puissant qui poussait d’abord cette vapeur ne se faisait-il plus sentir ; peut-être aussi le nuage, en s’affaiblissant ou en s’affaissant sous son propre poids, se répandait-il en surface. Il paraissait tantôt blanc, tantôt sale et tacheté, selon qu’il était chargé de cendre ou de terre. Ce phénomène surpris mon oncle, et, dans son zèle pour la science, il voulut l’examiner de plus près. Il fit appareiller un navire liburnien, et me laissa la liberté de le suivre. Je lui répondis que j’aimais mieux étudier ; il m’avait par hasard donné lui-même quelque chose à écrire. Il sortait de chez lui, lorsqu’il reçut un billet de Rectine, femme de Césius Bassus. Effrayée de l’imminence du péril (car sa villa était située au pied du Vésuve, et l’on ne pouvait s’échapper que par la mer), elle le priait de lui porter secours. Alors il change de but, et poursuit par dévouement ce qu’il n’avait d’abord entrepris que par le désir de s’instruire. Il fait préparer des quadrirèmes, et y monte lui-même pour aller secourir Rectine et beaucoup d’autres personnes qui avaient fixé leur habitation sur cette côte riante. Il se rend à la hâte vers des lieux d’où tout le monde s’enfuyait ; il va droit au danger, la main au gouvernail, l’esprit tellement libre de crainte, qu’il décrivait et notait tous les mouvements, toutes les formes que le nuage ardent présentait à ses yeux.
Là, à la vue du péril qui était encore éloigné, mais imminent, car il s’approchait par degrés, Pomponianus avait transporté tous ses effets sur des vaisseaux, et n’attendait, pour s’éloigner, qu’un vent moins contraire. Mon oncle, favorisé par ce même vent, aborde chez lui, l’embrasse, calme son agitation, le rassure, l’encourage ; et, pour dissiper, par sa sécurité, la crainte de son ami, il se fait porter au bain. Après le bain, il se met à table, et mange avec gaieté, ou, ce qui ne suppose pas moins d’énergie, avec les apparences de la gaieté. Cependant, de plusieurs endroits du mont Vésuve, on voyait briller de larges flammes et un vaste embrasement dont les ténèbres augmentaient l’éclat. Pour calmer la frayeur de ses hôtes, mon oncle leur disait que c’étaient des maisons de campagne abandonnées au feu par les paysans effrayés. Ensuite, il se livra au repos, et dormit réellement d’un profond sommeil, car on entendait de la porte le bruit de sa respiration que sa corpulence rendait forte et retentissante. Cependant la cour par où l’on entrait dans son appartement commençait à s’encombrer tellement de cendres et de pierres, que, s’il y fût resté plus longtemps, il lui eût été impossible de sortir. On l’éveille. Il sort, et va rejoindre Pomponianus et les autres qui avaient veillé. Ils tiennent conseil, et délibèrent s’ils se renfermeront dans la maison, ou s’ils erreront dans la campagne : car les maisons étaient tellement ébranlées par les effroyables tremblements de terre qui se succédaient, qu »elles semblaient arrachées de leurs fondements, poussées dans tous les sens, puis ramenées à leur place. D’un autre côté, on avait à craindre, hors de la ville, la chute des pierres, quoiqu’elles fussent légères et minées par le feu. De ces périls, on choisit le dernier. Chez mon oncle, la raison la plus forte prévalut sur la plus faible ; chez ceux qui l’entouraient, une crainte l’emporta sur une autre. Ils attachent donc avec des toiles des oreillers sur leurs têtes : c’était une sorte d’abri contre les pierres qui tombaient. Le jour recommençait ailleurs ; mais autour d’eux régnait toujours la nuit la plus sombre et la plus épaisse, sillonnée cependant par des lueurs et des feux de toute espèce. On voulut s’approcher du rivage pour examiner si la mer permettait quelque tentative ; mais on la trouva toujours orageuse et contraire. Là mon oncle se coucha sur un drap étendu, demanda de l’eau froide, et en but deux fois. Bientôt des flammes et une odeur de soufre qui en annonçait l’approche, mirent tout le monde en fuite, et forcèrent mon oncle à se lever. Il se lève appuyé sur deux jeunes esclaves, et au même instant il tombe mort. Déjà sur ses vaisseaux volait une cendre plus épaisse et plus chaude, à mesure qu’ils approchaient ; déjà tombaient autour d’eux des éclats de rochers, des pierres noires, brûlées et calcinées par le feu ; déjà la mer, abaissée tout à coup, n’avait plus de profondeur, et les éruptions du volcan obstruaient le rivage. Mon oncle songea un instant à retourner ; mais il dit bientôt au pilote qui l’y engageait : La fortune favorise le courage. Menez-nous chez Pomponianus. Pomponianus était à Stabie, de l’autre côté d’un petit golfe, formé par la courbure insensible du rivage. Là, à la vue du péril qui était encore éloigné, mais imminent, car il s’approchait par degrés, Pomponianus avait transporté tous ses effets sur des vaisseaux, et n’attendait, pour s’éloigner, qu’un vent moins contraire. Mon oncle, favorisé par ce même vent, aborde chez lui, l’embrasse, calme son agitation, le rassure, l’encourage ; et, pour dissiper, par sa sécurité, la crainte de son ami, il se fait porter au bain. Après le bain, il se met à table, et mange avec gaieté, ou, ce qui ne suppose pas moins d’énergie, avec les apparences de la gaieté. Cependant, de plusieurs endroits du mont Vésuve, on voyait briller de larges flammes et un vaste embrasement dont les ténèbres augmentaient l’éclat. Pour calmer la frayeur de ses hôtes, mon oncle leur disait que c’étaient des maisons de campagne abandonnées au feu par les paysans effrayés. Ensuite, il se livra au repos, et dormit réellement d’un profond sommeil, car on entendait de la porte le bruit de sa respiration que sa corpulence rendait forte et retentissante. Cependant la cour par où l’on entrait dans son appartement commençait à s’encombrer tellement de cendres et de pierres, que, s’il y fût resté plus longtemps, il lui eût été impossible de sortir. On l’éveille. Il sort, et va rejoindre Pomponianus et les autres qui avaient veillé. Ils tiennent conseil, et délibèrent s’ils se renfermeront dans la maison, ou s’ils erreront dans la campagne : car les maisons étaient tellement ébranlées par les effroyables tremblements de terre qui se succédaient, qu »elles semblaient arrachées de leurs fondements, poussées dans tous les sens, puis ramenées à leur place. D’un autre côté, on avait à craindre, hors de la ville, la chute des pierres, quoiqu’elles fussent légères et minées par le feu. De ces périls, on choisit le dernier. Chez mon oncle, la raison la plus forte prévalut sur la plus faible ; chez ceux qui l’entouraient, une crainte l’emporta sur une autre. Ils attachent donc avec des toiles des oreillers sur leurs têtes : c’était une sorte d’abri contre les pierres qui tombaient. Le jour recommençait ailleurs ; mais autour d’eux régnait toujours la nuit la plus sombre et la plus épaisse, sillonnée cependant par des lueurs et des feux de toute espèce. On voulut s’approcher du rivage pour examiner si la mer permettait quelque tentative ; mais on la trouva toujours orageuse et contraire. Là mon oncle se coucha sur un drap étendu, demanda de l’eau froide, et en but deux fois. Bientôt des flammes et une odeur de soufre qui en annonçait l’approche, mirent tout le monde en fuite, et forcèrent mon oncle à se lever. Il se lève appuyé sur deux jeunes esclaves, et au même instant il tombe mort. J’imagine que cette épaisse vapeur arrêta sa respiration et le suffoqua. Il avait naturellement la poitrine faible, étroite et souvent haletante. Lorsque la lumière reparut trois jours après le dernier qui vait lui pour mon oncle, on retrouva son corps entier, sans blessure. Rien n’était changé dans l’état de son vêtement, et son attitude était celle du sommeil plutôt que de la mort. Pendant ce temps, ma mère et moi nous étions à Misène. Mais cela n’intéresse plus l’histoire, et vous n’avez voulu savoir que ce qui concerne la mort de mon oncle. Je finis donc, et je n’ajoute plus qu’un mot : c’est que je ne vous ai rien dit, que je n’aie vu ou que je n’aie appris dans ces moments où la vérité des évènements n’a pu encore être altérée. C’est à vous de choisir ce que vous jugerez le plus important. Il est bien différent d’écrire une lettre ou une histoire ; d’écrire pour un ami, ou pour le public. Adieu |
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Pompéi– Panoramic photograph, 1909
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Lettre de Pline Le Jeune à Tacite sur les événements du Vésuve |
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![]() Quoique ce souvenir me saisisse d’horreur,
J’obéirai…
Après le départ de mon oncle, je continuai l’étude qui m’avait empêché de le suivre. Vint ensuite le bain, le repas ; je dormis quelques instants d’un sommeil agité. Depuis plusieurs jours, un tremblement de terre s’était fait sentir. Il nous vaiet peu effrayés, parce qu’on y est habitué en Campanie. Mais il redoubla cette nuit avec tant de violence, qu’on eût dit, non-seulement une secousse, mais un bouleversement général. Ma mère se précipita dans ma chambre. Je me levais pour aller l’éveiller, si elle eût été endormie. Nous nous assîmes dans la cour qui ne forme qu’une étroite séparation entre la maison et la mer. Comme je n’avais que dix-huit ans, je ne sais pas si je dois appeler fermeté ou imprudence ce que je fis alors. Je demandai un Tite-Live. Je me mis à le lire, comme dans le plus grand calme, et je continuai à en faire des extraits. Un ami de mon oncle, récemment arrivé d’Espagne pour le voir, nous trouva assis, ma mère et moi. Je lisais. Il nous reprocha, à ma mère son sang-froid, et à moi ma confiance. Je n’en continuai pas moins attentivement ma lecture. Nous étions à la première heure du jour, et cependant on ne voyait encore qu’une lumière faible et douteuse. La cendre commençait à tomber sur nous, quoiqu’en petite quantité. Je tourne la tête, et j’aperçois derrière nous une épaisse fumée qui nous suit en se répandant sur la terre comme un torrent. Pendant que nous voyons encore, quittons le grand chemin, dis-je à ma mère, de peur d’être écrasés dans les ténèbres par la foule qui se presse sur nos pas. ![]() ![]() Le chat: Une mosaïque de Pompéi Nous retournâmes à Misène. Chacun s’y rétablit de son mieux, et nous y passâmes une nuit entre la crainte et l’espérance. Mais la crainte l’emportait toujours, car le tremblement de terre continuait. La plupart, égarés par de terribles prédictions, aggravaient leurs infortunes et celles d’autrui. Cependant, malgré nos périls passés et nos périls futurs, il ne nous vint pas la pensée de nous éloigner, avant d’avoir appris des nouvelles de mon oncle. Vous lirez ces détails ; mais vous ne les ferez point entrer dans votre ouvrage. Ils ne sont nullement dignes de l’histoire ; et, si vous ne les trouvez pas même convenables dans une lettre, ne vous en prenez qu’à vous seul qui les avez exigés. Adieu.
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Giorgio Sommer (1834-1914), Eruption of Vesuvius on April 26 1872, at 3 p.m. ».
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J’ai été fascinée par Pompei et Herculanum. Merci de me les rappeler en musique.
Il nous reste la beauté de ces sites.
Une grande civilisation…