Fantômes Crétois – Artémis

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Artémis

THE STATUE
à l’écoute : The Statue
ComGris

Artémis

ArtémisLa Treizième revient… C’est encor la première;
Et c’est toujours la seule, ou c’est le seul moment;
Car es-tu reine, ô toi ! la première ou dernière ?
Es-tu roi, toi le seul ou le dernier amant ?…
– 
Aimez qui vous aima du berceau dans la bière ;
Celle que j’aimai seul m’aime encor tendrement :
C’est la mort, ou la morte… O délice ! ô tourment !
La rose qu’elle tient, c’est la Rose trémière. 
 –
Sainte Napolitaine aux mains pleines de feux,
Rose au coeur violet, fleur de sainte Gudule :
As-tu trouvé ta croix dans le désert des cieux ? 

Roses blanches, tombez ! vous insultez nos dieux,
Tombez, fantômes blancs, de votre ciel qui brûle :
– La sainte de l’abîme est plus sainte à mes yeux !
 

Gérard de Nerval (1808-1855) Les chimères, 1853)


ANNE CHEVALIER
Notes de lecture sur «Artémis»

Artémis - NervalLes études nervaliennes du XXe siècle font de plus en plus apparaître la profondeur et les ténèbres des écrits de Nerval, et la légende d’un poète d’une clarté traditionnelle et bien française a depuis longtemps expiré.
Nerval a lui-même souligné l’obscurité de ses sonnets des Chimères, dans l’Introduction qu’il adresse à A. Dumas, ainsi que la nécessité de cette obscurité, puisqu’ils «perdraient de leur charme à être expliqués, si la chose était possible».
Artémis - Nerval

G. de Nerval Par Felix Nadar


Mais il a fallu beaucoup de temps avant qu’on ne découvre qu’ « il n’y a nullement solution de continuité entre Gérard poète et l’auteur de Sylvie » et que « ses vers et ses nouvelles ne sont que des tentatives différentes pour exprimer la même chose», comme Га écrit, le premier sans doute, Marcel Proust dans son étude « Gérard de Nerval » du Contre Sainte-Beuve.
Ce principe étant admis, il faut pour étudier l’œuvre de Nerval, soit en son ensemble, soit en une de ses parties, reconnaître la parenté essentielle des Filles du feu, des Chimères et d’Aurélia pour le moins, parenté que Nerval semble avoir établie dans l’introduction que nous avons déjà citée aux Filles du feu : « Une fois persuadé que j’écrivais ma propre histoire, je me mis à traduire tous mes rêves, toutes mes émotions… »
Notre propos n’est pas de faire une analyse complète du sonnet Artémis, mais de mettre en relief, par l’étude de quelques points précis du sonnet, ce que peut apporter l’utilisation d’un tel principe.
Le premier pas est la comparaison. M. Jean Richer a beaucoup utilisé, et avec profit, les relations entre ce sonnet et Aurélia, dont le titre primitif fut « Artémis ou le rêve et la vie l » ; nous voudrions souligner les liens qui rattachent le sonnet aux Filles du feu, en particulier à Octavie, dans l’épisode central, la « lettre à J. Colon » que Nerval y inséra en la modifiant. Il nous semble en effet qu’outre des détails souvent rapprochés, comme les « roses violettes » de sainte Rosalie et la « Rose au cœur violet », il existe entre les deux textes une parenté étroite et révélatrice.
Un tableau synoptique permet d’abord de mettre sensiblement en évidence cette parenté.
La Suite
1. G. de Nerval et les doctrines ésotériques, Paris, 1947, pp. 111-130.
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