* VASSILY KANDINSKY, Regards sur le passé, 1913-1918 (extrait)
Paris, Hermann, établi par Jean-Paul Bouillon, 1974 pour la traduction française, pp. 116-117
La peinture est le heurt grondant de mondes différents destinés à créer dans et par leur combat le monde nouveau qu’on nomme l’œuvre. Chaque œuvre naît, du point de vue technique, exactement comme naquit le cosmos… Par des catastrophes qui, à partir des grondements chaotiques des instruments, finissent par faire une symphonie qu’on nomme musique des sphères. La création d’une œuvre, c’est la création du monde.
Ainsi, ces sensations de couleur sur la palette (de même que dans les tubes, qui ressemblent à des hommes d’esprit puissant mais d’apparence modeste dévoilant soudain, en cas d’urgence, leurs forces jusque-là tenues secrètes, et les faisant agir) se convertirent-elles en expériences spirituelles. Ces expériences servirent ensuite de point de départ aux idées dont je pris conscience voici [dix ou douze ans]* [et qui commencèrent alors à s’assembler pour aboutir au livre Du Spirituel dans l’art. Ce livre s’est fait de lui-même plutôt que je ne l’ai écrit].
Je transcrivis des expériences isolées qui, comme je le remarquai plus tard, avaient entre elles un rapport organique. J’avais le sentiment de plus en plus fort, de plus en plus clair, que [dans l’art les choses ne dépendent pas] du « formel » mais d’un désir intérieur (= contenu) qui [délimite le domaine du] formel.
Ce fut un grand pas en avant – à ma grande honte il m’a fallu longtemps pour le faire – que de résoudre entièrement la problème de l’art sur la base de la nécessité intérieure [qui était à même] de renverser à chaque instant l’ensemble des règles et des frontières connues […].
*Les passages entre crochets correspondent à des modifications du texte de 1913 apportées par Kandinsky en 1918 dans la version russe de ce même texte.
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Diderot, 1766 – Essais sur la Peinture
Mes petites idées sur la couleur.
C’est le dessin qui donne forme aux êtres ; c’est la couleur qui leur donne la vie.
Voilà le souffle divin qui les anime. Il n’y a que les maîtres dans l’art qui soient bons juges du dessin, tout le monde peut juger de la couleur. On ne manque pas d’excellents dessinateurs ; il y a peu de grands coloristes.
Il en est de même en littérature : cent froids logiciens pour un grand orateur ; dix grands orateurs pour un poète sublime. [ … ]
On a dit que la plus belle couleur qu’il y eut au monde, était cette rougeur dont l’innocence, la jeunesse, la santé, la modestie et la pudeur coloraient les joues d’une fille [ … ] c’est ce mélange de rouge et de bleu qui transpire insensiblement ; c’est le sang, la vie qui font le désespoir du coloriste. [ … ]
Quel est donc, pour moi le vrai, le grand coloriste ?
C’est celui qui a pris le ton de la nature et des objets bien éclairés, et qui a su accorder son tableau.
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Léonard de Vinci – Traité de la Peinture
Chap 131
Bien que le mélange des couleurs l’une avec l’autre soit d’une étendue presque infinie, je ne laisserai pas pour cela d’en toucher ici légèrement quelque chose.
Établissant premièrement un certain nombre de couleurs simples pour servir de fondement, et avec chacune d’elles, mêlant chacune des autres une à une, puis deux à deux, puis trois à trois ; poursuivant ainsi jusques au mélange entier de toutes les couleurs ensemble ; puis je recommencerai à mêler ces couleurs deux à deux, et trois à trois, et puis quatre à quatre, continuant ainsi jusqu’à la fin ; sur ce deux couleurs on en mettra trois […] or, j’appelle couleurs simples, celles qui ne sont point composées, et ne peuvent être faites ni suppléées par aucun mélange des autres couleurs.
 Marie Madeleine – Couleurs
Le noir et le blanc ne sont point comptées entre les couleurs, l’un représentant les ténèbres, et l’autre le jour; c’est à dire, l’un étant une simple privation de lumière, et l’autre la lumière même, ou primitive ou dérivée.
Je ne laisserai cependant pas d’en parler, parce que dans la Peinture il n’y a rien de plus nécessaire et qui soit plus d’usage, toute la Peinture n’étant qu’un effet et une composition des ombres et des lumières, c’est à dire de clair et d’obscur.
Après le noir et le blanc vient l’azur, puis le vert ou le tanné, ou l’ocre de terre d’ombre, après le pourpre ou le rouge, qui font en tout huit couleurs : comme il n’y en a pas davantage dans la nature, je vais parler de leur mélange. Soient premièrement mêlées ensemble le noir et le blanc, puis le noir et le jaune, et le noir et le rouge, ensuite le jaune et le noir, et le jaune et le rouge.
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Chap. 84
Un corps qui renvoie la lumière sur un autre corps ne lui communique pas sa couleur telle qu’il l’a lui-même ; mais il se fait un mélange de plusieurs couleurs, s’il y en a plusieurs qui soient portées par des reflets dans un même endroit […].
Chap 101
La teinte de l’ombre, de quelque couleur que ce soit, participe toujours à la couleur de son objet, et cela plus ou moins, selon qu’il est ou plus proche ou plus éloigné de l’ombre, et à proportion aussi de ce qu’il y a plus ou moins de lumière (…).
Chap 104
L’ombre du blanc, éclairé par le soleil et par l’air, a sa teinte tirant sur le bleu, et cela vient de ce que le blanc de soi n’est pas proprement une couleur, mais le sujet des autres couleurs […].
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Ce voyage coloré à travers l’Italie me plaît beaucoup , passé et présent se subliment mutuellement
Merci Brigitte !!!
Cette promenade subliminale en Italie est fascinante. J’aime.
Merci !!!