Nature Morte III – De Rerum Natura – Lucrèce

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La musique du film :  De Rerum Natura (sacem 2015).

 
De rerum naturaRecette hédonistique égratignant la société Jésuitière de musique.

 
Prenez un piano de bonne facture et, s’il s’avère être droit, déshabillez-le. Pour l’autre, à queue, contentez-vous de soulever le couvercle ! 
Disposez vos micros et le système d’enregistrement de manière élégante.
Faites-vous assister pour la prise de son et le classement des fichiers d’une personne qui ne soit point renfrognée: on peut envisager une personne du sexe opposé, rien ne l’interdit. Il paraîtrait que des audacieux l’encouragent.
Ensuite, comme bon vous semble, faites subir à l’instrument des manipulations diverses et des outrages variés afin qu’il vibre et suscite une pâleur cacochyme, voire méphitique, à un premier prix de conservatoire un tantinet étriqué: rien n’est plus drôle !
Dans le feu de l’action, vous choisirez quelques objets dans votre cuisine et leur ferez subir, avec malice, le même traitement.
Dans un logiciel d’édition audio honnête et complaisant, vous disposerez les échantillons retenus à votre incohérente convenance.
Vous les soumettrez à d’aimables barbaries algorithmiques, le saupoudrerez de quelques cruautés numériques et, sans coup férir, vous disposerez ci et là quelques soupçons de primitivismes acrimonieux.
Si nécessaire, nappez le tout  de temps lisse à l’aide d’un synthétiseur raffiné et courtois.
Réverbérez sans frémir, laissez reposer une journée, goutez et ajustez si besoin est.

À l’aide d’images, sans prévenir, servez froidement !

De rerum naturaLucrèce, De Rerum Natura – De la nature des choses,

Livre I ( Extrait )

I. PRINCIPES FONDAMENTAUX DE L’ATOMISME (1,146-482)
A. Principe fondamental: Rien ne naît de rien (1,146-214)


 [1,140 à 1.210 ] Mais ton mérite, cher Memmius, et le plaisir que j’attends d’une si douce amitié, m’excitent et m’endurcissent au travail, et font que je veille dans le calme des nuits, cherchant des tours heureux et des images poétiques qui puissent répandre la clarté dans ton âme, et te découvrir le fond des choses. Or, pour dissiper les terreurs et la nuit des âmes, c’est trop peu des rayons du soleil ou des traits éblouissants du jour; il faut la raison, et un examen lumineux de la nature. Voici donc le premier axiome qui nous servira de base:Rien ne sort du néant, fût-ce même sous une main divine.

Ce qui rend les hommes esclaves de la peur, c’est que, témoins de mille faits accomplis dans le ciel et sur la terre, mais incapables d’en apercevoir les causes, ils les imputent à une puissance divine. Aussi, dès que nous aurons vu que rien ne se fait de rien, déjà nous distinguerons mieux le but de nos poursuites, et la source d’où jaillissent tous les êtres, et la manière dont ils se forment, sans que les dieux y aident.

Si le néant les eût enfantés, tous les corps seraient à même de produire toutes les espèces, et aucun n’aurait besoin de germe. Les hommes naîtraient de l’onde, les oiseaux et les poissons de la terre; les troupeaux s’élanceraient du ciel; et les bêtes féroces, enfants du hasard, habiteraient sans choix les lieux cultivés ou les déserts. Les mêmes fruits ne naîtraient pas toujours sur les mêmes arbres, mais ils varieraient sans cesse: tous les arbres porteraient tous les fruits. Car si les corps étaient privés de germes, se pourrait-il qu’ils eussent constamment une même source?

Mais, au contraire, comme tous les êtres se forment d’un élément invariable, chacun d’eux ne vient au monde que là où se trouve sa substance propre, son principe générateur; et ainsi tout ne peut pas naître de tout, puisque chaque corps a la vertu de créer un être distinct. D’ailleurs, pourquoi la rose s’ouvre-t-elle au printemps, pourquoi le blé mûrit-il aux feux de l’été, et la vigne sous la rosée de l’automne, sinon parce que les germes s’amassent à temps fixe, et que tout se développe dans la bonne saison, et alors que la terre féconde ne craint pas d’exposer au jour ses productions encore tendres?De rerum natura

Si ces productions étaient tirées du néant, elles naîtraient tout à coup, à des époques incertaines et dans les saisons ennemies, puisqu’il n’y aurait pas de germes dont le temps contraire pût empêcher les féconds assemblages.

D’autre part, si le néant engendrait les êtres, une fois leurs éléments réunis, il ne leur faudrait pas un long espace de temps pour croître: les enfants deviendraient aussitôt des hommes, et l’arbuste ne sortirait de terre que pour s’élancer au ciel.

Et pourtant rien de tout cela n’arrive; les êtres grandissent insensiblement (ce qui doit être, puisqu’ils ont un germe déterminé), et en grandissant ils ne changent pas d’espèce; ce qui prouve que tous les corps s’accroissent et s’alimentent de leur substance première.

J’ajoute que, sans les pluies qui l’arrosent à point fixe, la terre n’enfanterait pas ses productions bienfaisantes, et que les animaux, privés de nourriture, ne pourraient multiplier leur espèce ni soutenir leur vie: de sorte qu’il vaut mieux admettre l’existence de plusieurs éléments qui se combinent pour former plusieurs êtres, comme nous voyons les lettres produire tous les mots, que celle d’un être dépourvu de germe.

D’où vient aussi que la nature n’a pu bâtir de ces géants qui traversent les mers à pied, qui déracinent de vastes montagnes, et dont la vie triomphe de mille générations, si ce n’est parce que chaque être a une part déterminée de substance, qui est la mesure de son accroissement?

Il faut donc avouer que rien ne peut se faire de rien, puisque tous les corps ont besoin de semences pour être mis au jour et jetés dans le souple berceau des airs. Enfin un lieu cultivé a plus de vertu que les terrains incultes, et les fruits s’améliorent sous des mains actives: la terre renferme donc des principes; et c’est en remuant avec la charrue les glèbes fécondes, en bouleversant la surface du sol, que nous les excitons à se produire. Car, autrement, toutes choses deviendraient meilleures d’elles-mêmes, et sans le travail des hommes.

Ajoutons que la nature brise les corps, et les réduit à leurs simples germes, au lieu de les anéantir. En effet, si les corps n’avaient rien d’impérissable, tout ce que nous cesserions de voir cesserait d’être, et il n’y aurait besoin d’aucun effort pour entraîner la dissolution des parties et rompre l’assemblage. Mais comme tous les êtres, au contraire, sont formés d’éléments éternels…La suite >>>>>>>


De rerum natura• Lucrèce (en latin Titus Lucretius Carus) est un poète philosophe latin du ier siècle av. J.-C., (peut-être 98-55), auteur d’un seul livre inachevé, le De rerum natura (De la nature des choses, qu’on traduit le plus souvent par De la nature), un long poème passionné qui décrit le monde selon les principes d’Épicure.
C’est essentiellement grâce à lui que nous connaissons l’une des plus importantes écoles philosophiques de l’Antiquité, l’épicurisme, car des ouvrages d’Épicure, qui fut beaucoup lu et célébré dans toute l’Antiquité tardive, il ne reste pratiquement rien, sauf trois lettres et quelques sentences.


Si Lucrèce expose fidèlement la doctrine de son maître, il met à la défendre une âpreté nouvelle, une sombre ardeur. « On entend dans son vers les spectres qui s’appellent1. » dit Hugo. Son tempérament angoissé et passionné est presque à l’opposé de celui du philosophe grec. Et il vit une époque troublée par les guerres civiles et les proscriptions (massacres de Marius, proscriptions de Sylla, révolte de Spartacus, conjuration de Catilina).

De là, les pages sombres du De rerum natura sur la mort, le dégoût de la vie, la peste d’Athènes, de là aussi sa passion anti-religieuse qui s’en prend avec acharnement aux dieux, aux cultes et aux prêtres, passion que l’on ne retrouve pas dans les textes conservés d’Épicure, même si celui-ci critique la superstition et même la religion populaire. Contre les positions du monde clérical, il propose de se soustraire aux craintes induites par la sphère religieuse, à laquelle il oppose la dimension rationnelle. Ainsi, il explique de façon matérielle les objets et le vivant, qui prennent forme via des combinaisons d’atomes. Surtout Lucrèce unit à la science épicurienne, souvent difficile, la douceur et la dimension visionnaire de la poésie.

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 De rerum natura

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2 Commentaires

  1. Oui, beau texte. Sur les philosophes antiques, lire aussi Pierre Hadot : lumineux !

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