Texte: Emmanuelle Grangé Récit, Musique: Frank Lovisolo Composition pour Piano, Clarinette Basse, Basson, Contrebasse, percussions et texte dit. |
ExtraitLa consolation, si elle existe, est un éparpillement de compensations, et il en faut toujours plus pour taire ses jérémiades. Je me rappelle ce prix d’excellence que je ne reçus jamais, car on avait tout bonnement oublié ma classe, je me rappelle ce livre de remplacement, mais plus son titre qu’on alla chercher fissa dans la bibliothèque et auquel il manquait le papier à entête du lycée, la signature du proviseur, mon nom et la mention d’excellence. Je jetai aussitôt ce prix de consolation dans la benne du préau et partis nager en piscine. Les enfants sont inconsolables et grandissent comme des asperges. On ne les croirait pas ainsi : je me rappelle la petite fille à qui on apprit la mort de son grand-père, qui en pleura, très douloureusement, dix minutes, puis repartit jouer avec sa poupée.
Je me rappelle l’enfant du Rwanda qui n’avait pas de poupée, mais les bras de sa mère pour ne plus voir le massacre.
Les asperges sont graves, blêmes et terreuses.
Comment consoler F. qui crie dans la nuit la perte de son aimée ? F. est un homme vieillissant, il a gravé son nom, sa date de naissance et presque celle de sa mort sur une épaisse rondelle de bois qui devra accompagner celle de son épouse au cimetière : *1914 +198… Ses proches sont sidérés en dénichant dans l’armoire cette plaque à compléter. F. est certain de partir dans les mois qui suivent la mort de sa femme, 1985. F. s’est éteint dans le service des soins palliatifs en 2007.
… Ils ont un parlage singulier et, avant les points de suspension ou après le point final, l’œil embué.
Ma voisine ukrainienne m’apporte du chou rouge, des patates rouges, de la harissa, c’est contre le cancer, c’est bon, prends. Elle accepte le verre de bon Bordeaux, tu penses bien, elle m’apporte un bol de bon bortsch couleur rouille, elle aurait besoin de laisser ses bagages chez moi avant de prendre son train. Elle raconte la grande villa des riches, là-bas, enceinte d’un mur de marbre haut de 6m, la villa qu’on ne voit pas, mais dont on se doute, et puis de Tchernobyl. On disait si tu habites à plus de 30km de Tchernobyl, pas de problème, elle ne les a pas crus, elle s’est tirée à Paris il y a 20 ans, ses fils ont 22 et 25 ans, l’aîné a ouvert un garage de dépannage, en région parisienne, ça fonctionne bien, elle travaille comme gouvernante dans une boîte de produits de beauté. Avant de poser ses sacs chez moi, elle bourre mon frigo de légumes rouges, c’est contre le cancer, je réponds, ah oui, des antioxydants… et j’allume une cigarette. Elle a la racine des cheveux blanche, des mèches auburn et violettes, des mollets ronds bronzés, elle parle très bien français avec un accent de consolation. Publié le Vendredi 2 septembre 2011 dans chantier traverses. |
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Et, avec Emmanuelle Grangé:Beslan Goya Un peu plus de trente heures De la légèreté des pieds Ses Romans :https://www.arlea.fr/Emmanuelle-Grange |
Assez profond pour n’être pas gai. ¬a musique est grave. Ça ressemble, dirait-on, à nos temps actuels. Vivement la suite, en renaissance !
« Elle » viendra….
bravo Frank pour tes tons -couleurs, pointe des pieds, marcheur de fond- qui ne sont jamais redondants/texte. Et tu sais combien j’aime la légèreté sérieuse.
je sais………..
chut, je re écoute
Ok, je sors ! 🙂
Très beau texte plein de profondeur et de sensibilité. Les deux vont bien ensemble.
Merci Infiniment…