Allauch : Un village en Provence

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Allauch,Provence - Voyage - Frank César LOVISOLO - Allauch : Un nom qui résonne comme une chanson claire au cœur des collines provençales. Quand on le prononce, il semble que le vent s’y accroche, qu’il prolonge la dernière syllabe dans un souffle chaud ou vif quant aux saisons. Allauch, c’est la lumière du matin qui se pose sur les toits de tuiles d'argile orange, c’est le soir qui descend doucement sur les moulins ; c’est le parfum des pins mêlé à celui de la farigoule et du romarin. Ce village, suspendu entre ciel et mer, n’est pas seulement un espace géographique : il demeure un temps continu, une respiration de mémoire. Ici, l’histoire humaine s’est enracinée très tôt. Des vestiges antiques témoignent de la présence romaine, puis le Moyen Âge a dressé sur la colline son château, forteresse protectrice dont les ruines veillent encore.La photographie en noir et blanc : une esthétique de l’essentiel

La photographie en noir et blanc occupe une place particulière dans l’histoire et la pratique de l’art photographique.

Si elle fut au départ une contrainte technique, elle s’est progressivement affirmée comme une esthétique à part entière, revendiquée par de nombreux chasseurs d’images, même après l’apparition et la généralisation de la couleur.

Cette persistance interroge : pourquoi continuer à choisir le noir et blanc à l’ère des images numériques saturées de couleurs ?

(Je dois toutefois préciser que je photographie uniquement en couleur et décide d’utiliser le « noir et blanc » quand je crée une série artistique.
Le plus souvent lorsque je ne suis pas satisfait de la tonalité naturelle.
C’est un procédé grandement facilité par l’emploi des appareils numériques.)

Une écriture de la lumière et de la composition

Le noir et blanc oblige à repenser son regard.

Privé de couleur, on doit travailler avec les nuances de gris, les ombres et les contrastes.

Ansel Adams, maître du paysage, considérait le noir et blanc comme une véritable partition musicale :
« Vous ne prenez pas une photographie, vous la faites. »

Son « zone system » visait précisément à maîtriser chaque degré de lumière, du noir profond au blanc éclatant.
Dans cette perspective, le noir et blanc devient une forme d’écriture visuelle, où chaque détail est modelé par la lumière.

De même, Henri Cartier-Bresson, dans son approche du « moment décisif », utilisait le noir et blanc pour renforcer la clarté des formes et des compositions.
« Photographier, c’est mettre sur la même ligne de mire la tête, l’œil et le cœur. »
Pour lui, le dépouillement du noir et blanc permettait de saisir l’instant avec une intensité visuelle débarrassée des distractions chromatiques.

Portrait de Florence Owens Thompson avec plusieurs de ses enfants connu sous le titre Migrant Mother (Mère migrante), et prise par Dorothea Lange en Californie (États-Unis), en 1936. La légende originale était "Ramasseurs de pois ruinés en Californie. Mère de sept enfants, âgée de 32 ans." Selon des études ultérieures cette femme n'était pas ramasseuse de pois, mais une fermière fuyant le Dust Bowl. Elle fait partie d'une série de photographies commandées par la Farm Security Administration pour convaincre le peuple américain de la nécessité de réformes du New Deal suite à la Grande Dépression de 1929 aux États-Unis
Portrait de Florence Owens Thompson avec plusieurs de ses enfants connu sous le titre Migrant Mother (Mère migrante), et prise par Dorothea Lange en Californie (États-Unis), en 1936. La légende originale était « Ramasseurs de pois ruinés en Californie. Mère de sept enfants, âgée de 32 ans. » Selon des études ultérieures cette femme n’était pas ramasseuse de pois, mais une fermière fuyant le Dust Bowl. Elle fait partie d’une série de photographies commandées par la Farm Security Administration pour convaincre le peuple américain de la nécessité de réformes du New Deal suite à la Grande Dépression de 1929 aux États-Unis

II. L’intemporalité et la mémoire visuelle

L’une des forces majeures du noir et blanc réside dans sa capacité à abolir le temps.

Les photographies en couleurs situent souvent une scène dans une époque précise par les tons, les modes vestimentaires ou les palettes dominantes d’une décennie. En revanche, le noir et blanc suspend cette contextualisation immédiate.
Comme le rappelle Susan Sontag :
« Toutes les photographies sont des memento mori. »

En noir et blanc, cette fonction mémorielle se radicalise : le spectateur perçoit moins une époque qu’une permanence.

Roland Barthes, dans La Chambre claire (1980), soulignait que la photographie atteste toujours du « ça a été ».
Le noir et blanc, par son abstraction, renforce cette dimension universelle et intemporelle de l’image photographique.

III. L’âme et l’émotion révélées

Le noir et blanc, enfin, possède une force émotionnelle singulière.
En retirant la couleur, il recentre l’attention sur l’expression, les gestes, la matière et le regard.
Ted Grant l’a formulé en ces termes :
« Quand vous photographiez les gens en couleur, vous photographiez leurs vêtements. Quand vous photographiez en noir et blanc, vous photographiez leur âme. »

Ce dépouillement, loin de réduire la photographie, l’enrichit.
Il crée un espace d’interprétation où le spectateur projette ses propres émotions.
Les portraits en noir et blanc, notamment, témoignent de cette intensité particulière : ils semblent davantage révéler qu’ils ne montrent.

Donc :

La photographie en noir et blanc ne peut être réduite à une simple survivance du passé.
Elle est un choix esthétique et philosophique qui privilégie la lumière, la forme et l’émotion sur la séduction chromatique.
Par son dépouillement, elle condense et amplifie l’essence du visible.
Elle demeure ainsi un langage autonome, distinct de la couleur, capable de transcender le temps et de toucher à l’universel.

En définitive, le noir et blanc est moins une absence qu’une présence différente : il n’imite pas le réel, il en propose une lecture sensible et intemporelle.


  • Barthes, Roland. La Chambre claire : Note sur la photographie. Paris : Gallimard, 1980.
  • Sontag, Susan. Sur la photographie. Paris : Christian Bourgois, 1979 (traduction de On Photography, 1977).
  • Dubois, Philippe. L’Acte photographique. Paris : Nathan, 1990.
  • Rouillé, André. La Photographie : Entre document et art contemporain. Paris : Gallimard, 2005.
  • Adams, Ansel. The Negative. Boston : New York Graphic Society, 1981.
  • Adams, Ansel. The Print. Boston : New York Graphic Society, 1983.
  • Cartier-Bresson, Henri. Images à la sauvette. Paris : Verve, 1952.
  • Doisneau, Robert. Trois secondes d’éternité. Paris : Contrejour, 1979.
  • Newhall, Beaumont. The History of Photography. New York : Museum of Modern Art, 1982.
  • Szarkowski, John. Looking at Photographs. New York : Museum of Modern Art, 1973.
  • Frizot, Michel (dir.). Nouvelle histoire de la photographie. Paris : Bordas, 1994.

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2 Commentaires

  1. Non membre du non jury, tu as bien mérité et gagné ta médaille en N&B. Pas besoin d’aller loin pour toucher à l’universel – je pense fortement à Giono, même s’il ne me semble pas s’être aventuré si loin vers Marseille…

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