Formation des Vulcanelli di Macalube:
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Approche géodynamique et physico-sédimentaire avancée
Les Vulcanelli di Macalube (Aragona, Sicile) constituent un champ actif de mud volcanoes froids associé à un contexte compressif tardo-orogénique dans le secteur sicilien de la Chaîne Maghrébine. Leur activité est contrôlée par des processus couplés de surpression interstitielle, diapirisme argileux, migration de gaz thermogénique/biogénique, et réactivation de structures tectoniques héritées.
1. Contexte tectono-sédimentaire régional
La zone se situe dans un domaine épimélangé où affleurent :
- des marnes pliocènes et plio-quaternaires, très riches en smectite (montmorillonite), à forte capacité de gonflement ;
- des dépôts marins peu consolidés (silts, argiles grises, marnes fossilifères) ;
- des niveaux profonds contenant des hydrocarbures gazeux (principalement CH₄).
L’ensemble est affecté par une tectonique compressive NW–SE héritée de la convergence Afrique–Eurasie, entraînant :
- plis disharmoniques,
- zones de cisaillement ductile-ruptile,
- réseaux de fractures verticales réactivées.
Ces discontinuités constituent des chemins de montée préférentiels pour les gaz et les fluides surpressurisés.
2. Processus de génération de la surpression
La surpression interstitielle résulte de plusieurs mécanismes synergiques :
a) Compaction mécanique et retard de déshydratation
Les séquences argileuses subissent une compaction incomplète, conduisant à une sous-compaction locale. La faible perméabilité (<10⁻⁹ m²) inhibe la dissipation des fluides.
b) Production de gaz thermogénique/biogénique
- Dégradation thermique de matière organique dans les niveaux plus profonds ;
- Méthanogenèse microbienne active dans les sédiments argilo-marneux superficiels.
Les gaz induisent une augmentation exponentielle de la pression de pore, pouvant dépasser la contrainte lithostatique locale (overpressure ratio λ > 0,7).
c) Fracturation hydro-fracture (hydrofracturing)
Quand la pression interstitielle excède la contrainte effective minimale (σ’₃), les sédiments se fracturent, initiant des cheminées de décompression fluide.
3. Diapirisme boueux et dynamique de remontée
La montée de la boue se comporte comme un flux viscoplastique non newtonien, gouverné par une rhéologie de type loi de Herschel–Bulkley :
- contrainte seuil τ₀ élevée,
- viscosité apparente dépendante du gradient de cisaillement.
La boue est un mélange triphasé (solide + liquide + gaz) dont la densité est inférieure à celle du sédiment encaissant, ce qui favorise un diapirisme gravitaire.
Mécanismes principaux :
- Conduits verticaux alimentés par des pulses de surpression.
- Chambres boueuses superficielles instables, générant des effondrements circulaires.
- Cycles éruptifs pulsés, contrôlés par :
- taux de recharge en gaz,
- cohésion de l’argile,
- variations saisonnières de saturation en eau.
4. Structures de surface et stratigraphie des dépôts
Les dépôts éruptifs présentent :
- cônes boueux formés par décantation granodécroissante : argiles très fines au sommet → laminés silto-argileux en périphérie ;
- cratères dégazants avec bullage continu de méthane ;
- fissures polygonales de dessiccation ;
- dépôts massifs à structure fluidale, localement injectés dans les niveaux encaissants.
La signature géochimique montre souvent :
- CH₄ dominant (>90 %),
- traces de CO₂, N₂, H₂S,
- eaux interstitielles à forte salinité (souvent évaporitiques), suggérant une source profonde.
5. Dynamique éruptive et instabilités paroxysmales
Les épisodes paroxysmaux se manifestent par :
- vidange brutale d’une chambre boueuse,
- explosions de gaz sous forme de geysers de boue,
- projection de matériaux à plusieurs mètres,
- création de dépressions effondrées (type pockmarks terrestres).
Ces phénomènes correspondent à des défaillances soudaines de systèmes de surpression, analogues aux événements documentés dans les mud volcanoes du Caucase, d’Azerbaïdjan, de Trinidad ou du bassin de la mer de Chine méridionale.
6. Importance scientifique et implications
Les Vulcanelli di Macalube sont un site de référence pour l’étude :
- des mécanismes d’overpressure dans les bassins compressifs ;
- de la migration des gaz fossiles et de leur dégazage diffuse ;
- de la rhéologie des boues argileuses en contexte surpressurisé ;
- de la dynamique des systèmes diapiriques argileux superficiels ;
- de la géomorphologie des terrains boueux instables soumis à des cycles de fluidisation.
Le site offre une analogie naturelle pour la modélisation des phénomènes de surpression dans les réservoirs pétroliers et des processus de mud-volcanism dans les marges actives.
Voici quelques témoignages scientifiques récents (2021–2025) relatifs aux Vulcanelli di Macalube, ainsi que des résultats de recherche marquants :
Témoignages et résultats scientifiques récents
- Projet INGV-PROMUD : campagne “DEMETRA” (2025)
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En avril 2025, une enquête de bruit sismique (seismic noise) a été menée à Maccalube d’Aragona dans le cadre du projet INGV-PROMUD, afin de caractériser le signal de fond lié à l’activité des évents et la structure du sous-sol peu profond. (MDPI)
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Les auteurs ont mesuré à 21 sites avec un tromographe 3 composantes. Ils ont analysé des rapports spectres, des courbes HVSR (horizontal-to-vertical spectral ratio) et des modèles de polarisation. (MDPI)
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Ils ont identifié des signaux transitoires dans le bruit de fond susceptibles d’être associés à des phénomènes de dégazage, d’émission de boue ou de bullage. (MDPI)
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Les résultats montrent aussi une variabilité spatiale des signaux entre zones d’évents et zones périphériques, ce qui indique des hétérogénéités au niveau du sous-sol. (MDPI)
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L’étude mentionne qu’un “renversement majeur” (overturning) s’est produit le 30 août 2025, dans le secteur affecté par des évents documentés en 2014. (MDPI)
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Les auteurs prévoient de combiner ces données sismiques avec des mesures géochimiques, hydrologiques et autres dans le cadre d’un suivi multidisciplinaire : leur but est d’identifier des signes précurseurs d’éruptions plus violentes (“paroxysmales”). (MDPI)
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- Résultats préliminaires du projet PROMUD (EGU 2025)
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Lors de l’assemblée générale de l’EGU (2025), des chercheurs du projet PROMUD ont présenté des résultats préliminaires : ils ont mis en évidence que le cycle hydrologique (les précipitations, l’infiltration d’eau) exerce un contrôle fort sur le nombre et la distribution des évents, ainsi que sur les propriétés rhéologiques des fluides émis (boues, gaz…). (Copernicus Meeting Organizer)
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Ce lien entre l’hydrologie superficielle et la dynamique des “vulcanelli” suggère que les variations météorologiques pourraient influencer la surpression des fluides et potentiellement déclencher des phases d’instabilité.
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- Étude sur l’évaluation des risques (2021)
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Dans un article de Natural Hazards and Earth System Sciences (2021), Gattuso et al. ont étudié les volcans de boue d’Aragona (Macalube) et de Santa Barbara, en Sicile, dans le but d’évaluer les risques associés aux éruptions paroxysmales. (NHESS)
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Cette étude montre que les éruptions violentes (avec colonne de boue, eau et gaz) sont liées à l’accumulation soudaine de gaz sous-pression (principalement du méthane) à profondeur. (NHESS)
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Ils notent aussi que la densité de population et les infrastructures autour du site d’Aragona (routes, pipelines, habitations) justifient une surveillance géologique et civile, car ces phénomènes peuvent représenter des risques non négligeables. (NHESS)
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L’étude documente un événement tragique : lors du paroxysme de 2014 à Macalube, deux enfants sont morts, ce qui souligne le caractère potentiellement dangereux de ces éruptions même s’il s’agit d’un « volcanisme de boue ». (NHESS)
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Analyse de ces témoignages
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Approche multidisciplinaire : Le fait que le projet PROMUD combine sismologie, géochimie, hydrologie, et surveillance continue montre que la recherche moderne sur les Vulcanelli est très intégrée — elle ne se limite plus à des observations de surface.
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Utilisation du bruit sismique comme marqueur : L’enquête DEMETRA montre qu’on peut détecter des signaux faibles dans le bruit de fond sismique qui pourraient servir de précursors à des éruptions plus fortes, ce qui pourrait permettre de mieux anticiper les paroxysmes.
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Impact des facteurs hydrologiques : L’influence de la pluie et des variations d’eau souterraine sur l’activité des évents suggère que les conditions météorologiques pourraient jouer un rôle non négligeable dans la modulation de la surpression.
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Risque réel : Les recherches sur le risque (Gattuso et al.) rappellent que, même si les mud-volcanoes comme ceux de Macalube sont “froids” (pas de magma), ils peuvent être dangereux, notamment lors d’événements exceptionnels — la protection civile ne peut pas les négliger.
Anecdotes authentiques
Une “pluie d’étoiles” racontée par les voyageurs du XIXᵉ siècle
Plusieurs voyageurs et naturalistes du XIXᵉ siècle décrivent avoir assisté, au crépuscule, à une scène étrange :
lorsque les bulles de méthane éclataient à la surface de la boue, de petites étincelles bleutées semblaient jaillir brièvement.
On sait aujourd’hui qu’il s’agissait probablement de micro-ignitions fugaces liées à l’électricité statique des gaz diffusant dans l’air chaud et sec — un phénomène rare mais réellement décrit à Macalube, donnant aux vulcanelli une réputation de « terrain enchanté ».
Les observateurs de l’époque pensaient à de la « poussière lumineuse » ou à des « feux follets minéraux ».
Le paysage qui “change de place” d’un jour à l’autreLes habitants d’Aragona racontent depuis longtemps que les Macalube sont un lieu où le sol ne reste jamais le même.
Certains bergers évitaient la zone car, au retour d’une journée de pâture, ils affirmaient retrouver :
- un cône entièrement disparu,
- un cratère nouveau où le terrain était plat la veille,
- ou encore des fissures fraîches s’étendant sur plusieurs mètres.
Ces changements rapides impressionnaient au point que les anciens appelaient l’endroit “a terra ca s’ammuccia e s’ammustra” — « la terre qui se cache et se montre ».
Aujourd’hui, la science explique que de tels changements peuvent se produire en quelques heures en raison des variations de surpression, de la fluidisation des argiles et de l’effondrement des chambres boueuses.vulcanelli di macalube – Riserva naturale integrale Macalube di Aragona – Sicile – Sicilia —













En mots passant par là, évidemment, on suppute sur les suppurations de la bête immonde sur laquelle l’Homme n’a pas craint de poser les pieds, y compris le pied photographique – bonne idée. Oh mais, voilà l’orage, la pluie et les éléments déchaînés qui nous renvoient aux temps anciens des Débuts… Rentrons nos bêtes et nos carcasses, il faut tenter de vivre !
🙂 – Toujours ce tempérament volcanique…
J’adore ces paysages si différents. C’est un bonheur pour moi de les visiter à nouveau.
Vraiment un bel endroit…