De l’album : Subliminal Messages |
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Composition pour :–
Piano
Basse Fretless
Batterie
Saxophone Soprano
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Je profite de cette occasion pour rendre hommage à l’écrivain Jean Teulé, qui récemment nous a quittés. Pour cela, j’évoquerai « Entrez dans la danse » parut aux éditions Julliard en 2018. L’ouvrage romance un fait divers étrange qui eut lieu au XVIe siècle dans la ville de Strasbourg.
Personne de danse ?–
Pourtant, si !
En 1518, à Strasbourg, une épidémie de danse (chorémanie) s’est déclarée. Étrange phénomène ; des centaines de personnes se sont mises à danser dans les rues jusqu’à l’épuisement et parfois la mort. C’est un cas d’hystérie collective que l’on désigne comme « manie dansante » ou « épidémie de danse de Saint-Guy ».
Dans son ouvrage, « Les danseurs fous de Strasbourg », John Waller décrit ainsi :
Ils ont « le regard vague ; le visage tourné vers le ciel ; leurs bras et jambes animés de mouvements spasmodiques et fatigués ; leurs chemises, jupes et bas, trempés de sueur, collés à leurs corps émaciés »
L’origine de cette transe serait plurifactorielle : croyances, superstitions, condition de vie effroyable, oppression sociale. Mais le mystère strasbourgeois n’est toujours pas réellement élucidé.
Il y eut plusieurs cas similaires. Une vingtaine entre 1200 et 1600 et le dernier, plus récent, se serait déroulé à Madagascar en 1863, ramanenjana en malgache. (Lire l’article d’Emile Appolis)
Paru dans le journal Le Monde en 2014, l’article de Sandrine Cabut « Lorsqu’en 1518, les Strasbourgeois se mirent à danser jour et nuit », apporte quelques précisions quant à cet épisode « maniachorégraphique ».
Michael Kleinlawel dans Chronique de Strasbourg (Strassburgische Chronik 1625) en parle ainsi :
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Une étrange maladie en ce temps
A envahi le peuple
Beaucoup de gens, par folie
Se sont mis à danser
Tout le jour et la nuit
Sans repos
Jusqu’à en tomber évanouis Plusieurs en sont morts.
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Bon… Toujours pas de volontaire pour la danse ?– C’est bien dommage, la musique s’y prête ! Chemin faisant, entre lecture, écriture et la composition, je me demandais si une épidémie de danse serait possible de nos jours. Imaginez une manifestation qui ne finirait pas en violence comme à l’accoutumée, mais se terminerait en une grandiose chorée collective déroutant l’autorité et ses traditions séculaires. Quelle serait, actuellement, la réaction d’un gouvernement ? La réponse mérite d’être approfondie ! Toutefois, il est bon de remarquer qu’il y a souvent, dans les manifestations, des danseurs isolés. Ils sont peu contagieux et les tarentelles peinent à s’étendre. Peut-être que la misère est moins violente qu’en 1518 et les symptômes induits, plus intimes, tendent vers un individualisme somatique. |
Tiap ! Tiap ! …Alors qu’à une extrémité de la voie, des membres de la corporation des bouchers, réquisitionnés par la mairie et munis d’un fouet, font avancer la foule de danseurs en lâchant le cri répété de leur langage substitutif ou bien sifflant : « Sfwiii ! Fwiit ! », des enfants de huit ou neuf ans courent sur les côtés du troupeau de gens désespérés en aboyant puisqu’il n’y a plus de chiens en ville, tous ont été mangés. Un cri convenu pour dire « À droite ! », un sifflement spécial pour ordonner de resserrer les rangs à gauche, des gamins bien dressés, et pour le salaire municipal d’un malheureux batzen, poussent le zèle jusqu’à mordre les jarrets des récalcitrants. Un gosse, incisives en avant, va pour s’attaquer au mollet joliment peint d’Enneline retenue par son mari sous leur enseigne. Melchior lance au môme un grand coup de soulier dans sa gueule — « Couché ! Couché, toi ! » — comme il ferait à un affreux clébard. Pendant que celui-ci gémit à quatre pattes en faisant des bonds d’animal meurtri, le graveur demande à sa femme : « Mais pourquoi ? Pourquoi, chérie, veux-tu y retourner ? » Se dégageant des mains de l’époux, elle ne répond pas. Quand bien même il la pilerait comme poivre au mortier, elle resterait muette alors il la supplie : — Moi, inutile à la terre sans ta présence, si une voix est restée en toi, Enneline, que je l’entende encore ! Mais voyez, elle s’échappe comme une feuille qui roule et tourbillonne au vent. Devant l’imagier baissant les bras, son vocabulaire à elle est celui du corps, son papier, la rue. Emportée par le tam-tam des sabots qui l’appelle, elle quitte le père de son enfant en tournant vers lui des yeux lyriques. Entrez dans la danse : Extrait Page 8 – Editions Julliard |
Jean Teulé :
«Entrez dans la danse»
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Un extraitlu par Alexandre Astier |
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