Un texte choisi et circonstancié aux images fixes ! |
Pendant longtemps et jusqu’à une date très récente – que je situerais, d’après ma propre expérience, au milieu des années 80 – l’historien de la photographie, qui ne voulait pas tourner le dos à son époque, était conduit à adopter, à l’égard de la création contemporaine une attitude très volontariste. Il voulait que des œuvres existent mais elles n’existaient pas. La photographie contemporaine était méprisée, marginalisée, sans qu’aucune œuvre ne fut assez convaincante pour briser ce préjugé négatif […]. Grâce à des artistes comme Cindy Sherman, Jeff Wall, Thomas Struth, Patrick Tosani, Jean-Marc Bustamante, John Coplans, Craigie Horsfield, Suzanne Lafont, la photographie est aujourd’hui considérée comme un outil parmi d’autres, comme un outil légitime, pour produire des images artistiques. Des photographies sont exposées sur des murs de musées et de galeries, comme des tableaux, en tant que tableaux. On peut encore entendre des plaintes, de la part des peintres et des amateurs de photographie. Les uns comme les autres considèrent que l’image photographique n’est pas faite pour les murs mais pour la page imprimée (des livres, des magazines, des journaux) ou, sous une autre forme, plus intime, plus précieuse, pour les cartons de documentation, les albums, les boîtes d’archives. A vrai dire, cette conception de la photographie est depuis longtemps dominante. […]. Pour ma part, je peux comprendre parfaitement que l’on veuille éviter à la photographie de rentrer dans le rang des beaux-arts, mais, malheureusement, il semble que, au nom de ce bon principe, on veuille surtout la protéger de l’art moderne et de tout ce qui le distingue, précisément, dans sa négativité, dans ses refus, de la double tradition des beaux-arts et des arts appliqués. Ceux-là mêmes qui revendiquent pour la photographie une fonction sociale plus large que la production strictement artistique, semblent n’avoir retenu de l’art moderne et contemporain que les effets les plus superficiels : en bref, tout ce qui peut servir à la publicité, tout ce qui est facilement récupérable dans une économie de l’image fondée sur l’efficacité mécanique. La photographie, appliquée à la mode, à la publicité, à l’information de choc (le fameux « choc des photos »), reste évidemment un outil privilégié de cette économie, même si la télévision a pris le dessus. Mais elle peut apparaître également comme le refuge des valeurs traditionnelles de la création artistique exaltées dans le système des beaux-arts. Le photographe peut apparaître comme l’artiste type, qui s’est donné un métier et transforme patiemment en œuvre une expérience du monde médiatisée par ce métier. Cette image n’est pas absurde, mais elle paraît aujourd’hui trop nostalgique pour être acceptable. La seule attitude convaincante se situe plutôt dans le mince écart qui sépare le refus de l’efficacité médiatique du retrait passéiste. Or, cet écart est sans doute le meilleur héritage de l’art moderne. C’est lui qui permet à un artiste d’être « contemporain » sans adhérer à l’inévitable conformisme de son époque. En d’autres termes, je dirais que la photographie, située entre les beaux-arts et les médias, permet à certains artistes de réinventer l’art moderne.
« Le Tableau et les modèles de l’expérience photographique », Qu’est-ce que l’art au 20e siècle ?, Fondation Cartier pour l’art contemporain, ENSBA, 1992 |
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Venant de lire un article sur l’astronomie, en regardant tes photos, j’ai eu l’impression de rentrer dans cet univers céleste. Très belles images musicales.
Gérard