35° Entre Cantal et Lozère – Photographies solaires en Noir et Blanc

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audio mp3= »http://frank-lovisolo.fr/cat/m3p/Argonautes.mp3″ width= »320″ height= »40″ autoplay= »true » loop= »true »- Lozère –
LE PERIPLE DE DEMETER
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A l’écoute : 
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 Quand je parcourais cette contrée sous un soleil plus que généreux, je pensai à l’auteur de L’Île au trésor qui lui, à pied d’âne et en 1878, traversait les Cévennes en Lozère.
« Quant à moi, je voyage non pour aller quelque part, mais pour marcher.
Je voyage pour le plaisir de voyager.
L’important est de bouger, d’éprouver de plus près les nécessités et les embarras de la vie, de quitter le nid douillet de la civilisation, de sentir sous mes pieds le granit terrestre et les silex épars avec leurs coupants.
Hélas ! Tandis que nous avançons dans l’existence et sommes plus préoccupés de nos petits égoïsmes, même un jour de congé est une chose qui requiert de la peine. » 

VOYAGE AVEC UN ÂNE DANS LES CÉVENNES

Traduit de l’anglais par Léon Bocquet

LE PAYS DES CAMISARDS

I – À TRAVERS LA LOZÈRE
Robert_Louis_Stevenson - Lozère - lovisoloLa piste que j’avais suivie dans la soirée disparut bientôt et je continuai, au-delà d’une montée de gazon pelé, de me diriger d’après une suite de bornes de pierres pareilles à celles qui m’avaient guidé à travers le Goulet. Il faisait chaud déjà. J’accrochai ma veste au ballot et marchai en gilet de tricot. Modestine, elle-même tout excitée, partit dans un trottinement cahotant qui faisait valser l’avoine dans les poches de mon paletot. C’était bien la première fois que cela arrivait. La perspective à l’arrière sur le Gévaudan septentrional s’élargissait à chaque pas. À peine un arbre, à peine une maison apparaissaient-ils dans les landes d’un plateau sauvage qui s’étendait au nord, à l’est, à l’ouest, bleu et or dans l’atmosphère lumineuse du matin. Une multitude de petits oiseaux voletaient et gazouillaient autour de la sente. Ils se perchaient sur les fûts de pierre ; ils picoraient et se pavanaient dans le gazon et je les vis virevolter par bandes dans l’air bleu et montrer, de temps à autre, des ailes qui brillaient avec éclat, translucides, entre le soleil et moi.
Presque du premier instant de mon ascension, un ample bruit atténué comme une houle lointaine avait empli mes oreilles. Parfois, j’étais tenté de croire au voisinage d’une cascade et parfois à l’impression toute subjective de la profonde quiétude du plateau. Mais, comme je continuais d’avancer le bruit s’accrut et devint semblable au sifflement d’une énorme fontaine à thé. Au même instant des souffles d’air glacial, partis directement du sommet, commencèrent de m’atteindre. À la fin, je compris. Il ventait fort sur l’autre versant de la Lozère et chaque pas que je faisais me rapprochait de l’ouragan.
Quoiqu’il eût été longuement désiré, ce fut tout à fait incidemment enfin que mes yeux aperçurent l’horizon par-delà le sommet. Un pas qui ne semblait d’aucune façon plus décisif que d’autres pas qui l’avaient précédé et « comme le rude Cortez lorsque, de son regard d’aigle, il contemplait le Pacifique », je pris possession en mon nom propre d’une nouvelle partie du monde. Car voilà qu’au lieu du rude contrefort herbeux que j’avais si longtemps escaladé, une perspective s’ouvrait dans l’étendue brumeuse du ciel et un pays d’inextricables montagnes bleues s’étendait à mes pieds.
Les monts de Lozère se développent quasiment à l’est et à l’ouest coupant le Gévaudan en deux parties inégales. Son point le plus culminant, ce pic de Finiels sur lequel j’étais debout, dépasse de cinq mille six cents pieds le niveau des eaux de la mer, et, par temps clair, commande une vue sur tout le bas Languedoc jusqu’à la Méditerranée. J’ai parlé à des gens qui, ou prétendaient ou croyaient avoir aperçu, du Pic de Finiels, de blanches voiles appareillant vers Montpellier et Cette. Derrière s’étendait la région septentrionale des hauts-plateaux que ma route m’avait fait traverser, peuplés par une race triste et sans bois, sans beaucoup de noblesse dans les contours des monts, simplement célèbres dans le passé par de petits loups féroces. Mais, devant moi, à demi voilé par une brume ensoleillée, s’étalait un nouveau Gévaudan, plantureux, pittoresque, illustré par des événements pathétiques. Pour m’exprimer d’une façon plus compréhensive, j’étais dans les Cévennes au Monastier et au cours de tout mon voyage, mais il y a un sens strict et local de cette appellation auquel seulement cette région hérissée et âpre à mes pieds a quelque droit et les paysans emploient le terme dans ce sens-là. Ce sont les Cévennes par excellence : les Cévennes des Cévennes.
Dans ce labyrinthe inextricable de montagnes, une guerre de bandits, une guerre de bêtes féroces, fit rage pendant deux années entre le Grand Roi avec toutes ses troupes et ses maréchaux, d’une part, et quelques milliers de montagnards protestants, d’autre part. Il y a cent quatre-vingts ans, les Camisards tenaient un poste là même, sur les monts Lozère où je suis. Ils avaient une organisation, des arsenaux, une hiérarchie militaire et religieuse. Leurs affaires faisaient « le sujet de toutes les conversations des cafés » de Londres. L’Angleterre envoyait des flottes les soutenir. Leurs meneurs prophétisaient et massacraient. Derrière des bannières et des tambours, au chant de vieux psaumes français, leurs bandes affrontaient parfois la lumière du jour, marchaient à l’assaut de cités ceintes de remparts et mettaient en fuite les généraux du roi. Et parfois, de nuit, ou masquées, elles occupaient des châteaux-forts et tiraient vengeance de la trahison de leurs alliés ou exerçaient de cruelles représailles sur leurs ennemis. Là était établi, il y a cent quatre-vingts ans, le chevaleresque Roland, « le comte et seigneur Roland, généralissime des protestants de France », sévère, taciturne, autoritaire, ex-dragon, troué de petite vérole, qu’une femme suivait par amour dans ses allées et venues vagabondes. Il y avait Cavalier, un garçon boulanger doué du génie de la guerre, nommé brigadier des Camisards à seize ans, pour mourir, à cinquante-cinq, gouverneur anglais de Jersey. Il y avait encore Castanet, un chef partisan, sous sa volumineuse perruque et passionné de controverse théologique. Étranges généraux qui se retiraient à l’écart pour tenir conseil avec le Dieu des armées et refuser ou accepter le combat, posaient des sentinelles ou dormaient dans un bivouac sans gardiens, selon que l’Esprit inspirait leur cœur.
Et il y avait pour les suivre, ainsi que d’autres meneurs, des ribambelles et des kyrielles de prophètes et de disciples, hardis, patients, infatigables, braves à courir dans les montagnes, charmant leur rude existence avec des psaumes, prompts au combat, prompts à la prière, écoutant pieusement les oracles d’enfants à demi fous et qui déposaient mystiquement un grain de blé parmi les balles d’étain avec lesquelles ils chargeaient leurs mousquets.
J’avais voyagé jusqu’à ce moment dans une morne région et dans un sillage où il n’y avait rien de plus remarquable que la Figure_du_monstre_qui_désole_le_Gevaudan - LozèreBête du Gévaudan, Bonaparte des loups, dévoratrice d’enfants. Maintenant, j’allais aborder un chapitre romantique – ou plus justement une note romantique en bas de page – de l’histoire universelle. Que restait-il de toute cette poussière et de tous ces héroïsmes surannés ?
On m’avait assuré que le Protestantisme survivait toujours dans ce quartier général de la résistance huguenote. Bien mieux, même un prêtre me l’avait affirmé dans le parloir d’un couvent. Il me restait toutefois à connaître s’il s’agissait d’une survivance ou d’une tradition féconde et vivace. En outre, si dans les Cévennes septentrionales, les gens étaient stricts en opinions religieuses et plus remplis de zèle que de charité, qu’avais-je à attendre de ces champs de persécutions et de représailles ? – dans cette contrée où la tyrannie de l’Église avait provoqué la révolte des Camisards et la terreur des Camisards jeté la paysannerie catholique dans une rébellion légale du côté opposé, en sorte que Camisards et Florentins se tenaient cachés dans les montagnes pour sauver leur vie, les uns et les autres. Juste au faîte du mont où j’avais fait halte pour inspecter l’horizon devant moi, la série de bornes en pierre cessa brusquement et seulement un peu en dessous, une sorte de piste apparut qui dévalait en spirale une pente à se rompre le cou, tournant comme tire-bouchon. Elle conduisait dans une vallée entre des collines déclives, aux éteules de roc comme un champ de blé moissonné et, vers la base, recouvertes d’un tapis de prés verdoyants. Je me hâtais de suivre la sente : la nature escarpée du versant, les continuels et brusques lacets de la ligne de descente et le vieil espoir invincible de trouver quelque chose de nouveau dans une région nouvelle, tout conspirait à me donner des ailes. Encore un peu plus bas et un ruisseau commença, réunissant lui-même plusieurs sources et menant bientôt joyeux tapage parmi les montagnes. Parfois, il voulait traverser la piste dans un semblant de cascade, avec un radier, où Voyage avec un âne dans les Cévennes - LozèreModestine se rafraîchissait les sabots. La descente entière fut pour moi comme un rêve, tant elle s’accomplit rapidement. J’avais à peine quitté le sommet que déjà la vallée s’était refermée autour de ma sente et le soleil tombait d’aplomb sur moi, qui marchais dans une atmosphère stagnante de bas-fonds. Le sentier devint une route. Elle descendit et remonta en molles ondulations. Je dépassai une cabane, puis une autre cabane, mais tout semblait à l’abandon. Je n’aperçus pas une créature humaine ni n’entendis aucun bruit, sauf celui du ruisselet.
Je me trouvais pourtant, depuis la veille, dans une autre région. Le squelette pierreux du monde était ici vigoureusement en relief exposé au soleil et aux intempéries. Les pentes étaient escarpées et variables. Des chênes s’accrochaient aux montagnes, solides, feuillus et touchés par l’automne de couleurs vives et lumineuses. Ici ou là, quelque ruisseau cascadait à droite ou à gauche jusqu’au bas d’un ravin aux roches rondes, blanches comme neige et chaotiques. Au fond, la rivière (car c’était vite devenue une rivière collectant les eaux de tous côtés, tandis qu’elle suivait son cours) ici un moment écumant dans des rapides désespérés, là formant des étangs du vert marin le plus délicieux taché de brun liquide. Aussi loin que j’étais allé, je n’avais jamais vu une rivière d’une nuance à ce point délicate et changeante. Le cristal n’était pas plus transparent ; les prairies n’étaient pas à demi aussi vertes et, à chaque étang rencontré, je sentais une envie frémissante de me débarrasser de ces vêtements aux tissus chauds et poussiéreux et de baigner mon corps nu dans l’air et l’eau de la montagne. Tout le temps que je vivrai, je n’oublierai jamais que c’était un dimanche. La quiétude était un perpétuel « souvenez-vous » et j’entendais en imagination les cloches des églises sonner à toutes volées sur l’Europe entière et la psalmodie de milliers d’églises. À la fin, un bruit humain frappa mon oreille – un cri bizarrement modulé, entre l’émotion et la moquerie, et mon regard traversant la vallée aperçut un gamin assis dans un pré, les mains encerclant les genoux, rapetissé par l’éloignement jusqu’à une infimité comique. Le petit drôle m’avait repéré alors que je descendais la route, de bois de chênes à bois de chênes remorquant Modestine et il m’adressait les compliments de la nouvelle région par ce trémulant bonjour à l’aigu. Et comme tous bruits sont agréables et naturels à distance suffisante, celui-ci également qui me parvenait à travers l’air très pur de la montagne et franchissait toute la verte vallée, retentissait délicieux à mon oreille et semblait un être rustique comme les chênes et la rivière. Peu après le ruisseau que je longeais se jeta dans le Tarn, à Pont-de-Montvert, de sanglante mémoire.

Le début et la suite >>>>>

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Arrivée : Chaudes-Aigues qui porte bien son nom !

Chaudes-Aigues - Cantal - Lovisolo - Lozère

Chaudes-Aigues - Cantal - Lovisolo - Lozère

Les eaux thermales de Chaudes-Aigues sont remarquables pour leurs propriétés antalgiques et myorelaxantes. Elles sont utilisées entre-autres pour le traitement en profondeur des affections rhumatismales, rhumatismes dégénératifs, arthroses, sciatiques, névralgies cervico-brachiales, séquelles de traumatisme et fibromyalgie. [Source]

Autre écrit d’un marcheur à pied d’âne : 

Ponthieu« Le tour d’un monde en sept jours avec un âne en Provence »

Le Car­net de voyage de Gérard Pon­thieu et l’âne « Juju » paraît ces jours-ci.

En voici un avant-goût avec les tout pre­miers pas d’une aven­ture… ahanante

Journaliste professionnel depuis 1967, Gérard Ponthieu a pratiqué la presse sous ses formes quotidienne et périodique, régionale et nationale, écrite, radiophonique et télévisuelle.Quelques titres auxquels il a collaboré : L’Alsace, Le Nouvel Observateur, Radio France, Les Nouvelles littéraires, Radio Libération et L’Express……

Lozère

La suite là….

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5 Commentaires

  1. Trop d’honneur ! Stevenson est un grand auteur ; je me dis qu’il y a du Giono chez cet Écossais ; c’est sans doute parce que c’est lui… mais aussi parce qu’il arpente une même terre, au sens de la géologie, avec des odeurs pierreuses. L’extrait que tu as choisi donne tellement envie de le suivre – ce que tu fais, semble-t-il. Attention aux silex tranchants !

  2. Venant de la perfide Albion cet écossais me ravit. « Merci monsieur Stevenson pour avoir apprécié ce coin de France » magnifiquement illustré par les images de Frank.

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