Composition pour :
Piano, Violons, Violoncelles, Timbales, Tambour et texte dit.
Réalisé entre 2009 et 2010.
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Claire Dutheil est «Elle»
Philippe Jeay est Isidore Ducasse ( Comte de Lautréamont )
Je suis l’Entité ( la voix est modifiée ) et Voltaire
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Texte musiqué et dit
Le récif où le cœur des vagues s’est brisé
Vous n’êtes rien La vérité mue incessamment… Vous n’êtes rien. Je vous vois et vous observe. Je vous sais proies favorites des boucaniers…
D’êtres vils, manipulateurs, étranges martyrs séduisants et larmoyants.
Votre chair délicieuse sera bientôt suspendue à leurs bastions avides.
Misérables trophées, pantelants et grotesques…
Désarticulés
Je ne vous plains pas.
Vous ne m’êtes rien.
Il survient parfois le désir d’enfoncer mes serres dans cette pâture blafarde et d’en recueillir le sang…
De temps en temps, j’entends encore Isidore se lire : « J’ai vu, pendant toute ma vie, sans en excepter un seul, les hommes, aux épaules étroites, faire des actes stupides et nombreux, abrutir leurs semblables, et pervertir les âmes par tous les moyens. » Savez vous, que sur ce récif sombre où se brise l’âme des vagues, je médite cette phrase mollement et m’en délecte.
Vous n’êtes rien… Vous n’êtes rien…
Sur la muraille un chefaillon vagit sa peur et invective ses inférieurs d’infortune.
Bien sur qu’il leur impute son ravage, qui d’autres… Lui ? Impossible… N’a-t-il pas toujours donné les bonnes instructions, n’a-t-il pas été équitable ?
Plus loin, sa compagne, flétrie depuis bien longtemps, n’est plus qu’un pitoyable marmonnement.
A-t-elle déjà dialogué avec cet homme, a-t-il déjà conversé avec cette femme ? Je m’amuse à les regarder s’avachir dans leurs angoisses…
Ils ne sont pas tellement différents, qu’avant… Ils ne sont rien. Ils ne sont rien. Ils ne sont rien. Ils ne sont rien.
( il se lève sur le rocher et son regard est dans le vague. Apparaît, sur la plage, une femme. Elle le regarde, le soleil derrière elle.) Elle
– « Qui êtes vous ? Lui – Rien, une ombre, une illusion. Elle – Pourtant, je vous ai entendu parler… Lui – Il m’arrive parfois de converser avec les vagues… Elle – Ha !… Et les vagues vous entendent… Lui
– Épisodiquement Elle
– Seriez-vous un dieu ? Lui
– C’est un concept ridicule. Elle – Alors d’où vous vient cette singulière apparence ? Lui – Vous voyez une différence ? Elle – Oui. Lui – Regardez mieux… Elle – Vous êtes dans mon ombre ! Lui – Vous êtes dans le soleil… Elle – De quoi parliez vous ? Lui – Du monde, de votre monde… Elle – N’est-il point le vôtre ? Lui – Non. Je n’appartiens à rien et rien ne m’appartient. A cet instant je n’existe que parce que vous êtes ici. Elle – C’est insolite. Lui – Pour vous certainement. Elle – Il y a quelque chose d’inaccoutumé ; malgré le vent et les vagues il règne sur ce rivage un étrange silence… Lui – Là où je me pose tout n’est plus que paix. Elle – Je ne n’arrive plus à concevoir ce mot… Lui – Je sais, vous avez oublié. Peut-être ne vous l’a ton jamais appris. Mais qu’avez-vous donc appris ? ( elle s’éloigne sur la plage… )
Elle
– Rien d’important, quelques futilités publiques, quand j’y pense… Lui – C’est dommage, il y a tant de choses à découvrir… Mais vous vous éloignez ? Elle Lui
– Alors je continuerai seul à parler aux vagues. Elle – Elles n’entendent rien. Lui – Il y a tellement de certitudes en vous… Elle – Juste pour survivre. Lui – J’en suis navré. Elle – Vous ne devriez pas… il n’y a rien ici… Lui – Il y a tout ! Vous devriez rester et entendre… Elle – Je ne dois pas… Lui – Pourquoi ? Elle – Je pressens ce que vous allez dire et cela m’effraie… Lui – Encore quelques mots et je partirai, laissant revenir le tumulte des vagues et du vent. Elle (comme un sanglot) – Je ne veux plus entendre, ce silence m’effraie et vous me troublez ! Je ne suis pas prête nous ne sommes pas prêts. Lui – Je ne peux rien pour vous… Elle – Je ne veux plus vous écouter, je ne suis pas prête nous ne sommes pas prêts. Personne ne veut comprendre, personne ne veut voir. Je ne veux pas être seule, cela ne se peut pas Lui – J’entends fort et clair en vous. Vous êtes persuadée que l’amour s’est enfui ? Elle
– Vous ne le croyez pas ? Lui – Non je crois qu’il se cache. Il a peur de vous. Elle – Je vous en prie pardonnez-moi, si je veux vivre je dois vous fuir…
( Elle s’éloigne et disparaît. Lui continu son monologue) J’entends encore l’atroce grincement des ongles sur les portes de métal derrière lesquelles, dans un gaz corrompu, vous mitent à mourir vos semblables.
Il résonne encore, au milieu des rires, le bruit des os rompus des restes humains suppliants mis en roue. Celles qui, après être passées dans vos mains séculières et cruelles, furent brûlées vives, mendiant votre clémence. N’entendez vous plus, parmi le bruit des pierres, les horribles plaintes de celles et ceux que vous lapidâtes pour magnifier vos croyances…
L’inventaire est long, presque infini. Dois-je continuer ? Il me vient à l’esprit une phrase de Voltaire : « A l’égard de ce nombre innombrable de supplices, dans lesquels des fanatiques imbéciles ont fait périr tant d’autres fanatiques imbéciles, je n’en parlerai plus, quoiqu’on ne puisse trop en parler… »
J’arrête là car il me vient comme une lassitude… Et je dois m’en aller
Vous n’êtes rien… Vous n’êtes rien…
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